02 janvier 2006

David au musée Jacquemart André

Dans le très bourgeois (et très cher!) musée Jacquemart André se tient une belle expo consacrée à David, le grand peintre français du temps de la révolution et de l'empire. Les oeuvres sont très très bien exposées et les commentaire plutôt intéressants.

Nous en sommes ressortis avec le sentiment que David était un type ambitieux, très ambitieux, un travailleur fou et obstiné (ses esquisses et dessins sont étonnants). Ses portraits datant de l'époque révolutionnaire sont très impressionnants de vibration et d'intensité, et le Marat Assassiné est un chef d'oeuvre, une image d'une puissance incroyable. Ses oeuvres ultérieures paraissent incroyablement sages. D'une grande maîtrise technique, certes, mais faites pas un homme qui assure et ne prend plus de risques.


La visite du musée aura aussi été l'occasion pour nous de revoir le petit musée italien (belle fresque de Tiepolo, oeuvres de Botticelli, Bellini, Mantegna (rien que ça!) avec le superbe combat de Saint Georges contre le dragon, de Paolo Uccello.

Un autre tableau étonnant se trouve au rez de chaussée, tout au fond des petits salons.

Lectures de l'année

Un petit récapitulatif de quelques-unes mes lectures de l'année, plus ou moins intéressantes. Pour vous donner quelques idées.
M'écrire pour avoir les références des éditeurs.

Yossef Rakover s'adresse à Dieu, de Zvi Kolitz
Un livre bref et totalement étonnant. Un rabbin à deux doigts de la mort, dans le ghetto de Varsovie incendié, se tourne vers Dieu, crie, s'indigne, invective... dans la lignée de Job sur son tas de fumier. Puis laisse son texte dans une bouteille, où il sera retrouvé.
Ce texte très frappant a été repris par de nombreuses publications juives (et non juives), qui le considèrent (à raison) comme une oeuvre d'une grande portée spirituelle... en oubliant souvent qu'il s'agit d'une fiction ! Ecrite par un homme à l'histoire digne d'un roman, totalement sincère, mais très vite dépossédé de son oeuvre malgré ses tentatives, non de toucher des droits, mais du moins de s'en voir reconnaître la paternité. En vain !
La postface du livre, plus longue que le texte lui-même, détaille l'aventure incroyable de ces quelques pages. Une grande découverte.

Salammbô, Flaubert
Voir l'article plus bas, pour savoir ce que j'en pense.

Si c'est un homme, Primo Levi
Le "classique" de la littérature sur les camps. Un beau livre, simple, sans pathos. On peut le lire même si on a vu dix fois la liste de Schindler et qu'on croit tout savoir sur le sujet. Même si on est déprimé.

[BD] Quartier Lointain, Jiro Tanigochi
Du manga fin, sensible, un peu trop sage à mon goût.

La morte amoureuse, Théophile Gautier (pas tout lu)
une (re)découverte. Les nouvelles de Gautier fonctionnent un peu toutes pareil, mais j'apprécie leur érotisme élégant et un peu daté.

Allah n'est pas obligé, Ahmadou Kourouma
Un bouquin primé sur le thème des enfants soldats, en Afrique. Le style est pas mal, le témoignage affreux, mais le roman ne tient pas la route.

Transparences, Ayerdhal
Un bon thriller, ni plus, ni moins. L'utilisation très discrète d'un thème de SF très intéressant m'a beaucoup plue.

L'homme au cercle bleu, pars vite et reviens tard, Coule la Seine, Fred Vargas
On voit que j'ai pris le train souvent. Les aventures du commissaire Jean-Baptiste Adamsberg sont très faciles à lire, avec des personnages tous plus ou moins barrés et assez sympathiques, et Paris comme décor. Les fans de whodunnit seront déçus, les intrigues flirtent souvent avec le Grand N'importe Quoi. Ca n'a pas le charme "réaliste" des enquêtes de Nestor Burma. (par exemple, ce sont des romans qui font semblant de croire que Paris s'arrête au Périph...)
A la fin, le commissaire va se balader sur les quais en rêvassant, il lui vient une idée et hop, il a trouvé le coupable ! De l'enquête intuitive!

Le voleur de temps, Tony Hillerman
Un roman policier chez les navajos. Intéressant et sympa, pas inoubliable.

Célébration biblique, Elie Wiesel
Une série de textes inspirés par les Midrashim, sur quelques personnages connus de l'Ancien Testament. Les Midrashim sont de courts récits qui "entourent", commentent et expliquent les récits bibliques. Ici, Elie Wiesel s'en sert pour donner son éclairage sur Adam et Eve, Isaac, Moïse, Jacob. On y découvrira qu'Adam était un géant magnifique, que Moïse était bègue et a voyagé dans le temps à l'heure de sa mort... et toutes sortes de choses souvent merveilleuses ou drôles.

Acide organique, Calvo
Un recueil de nouvelles, expérimental et écrit aux tripes de l'ami David. Parfois maladroit, toujours sincère, avec des images incroyablement fortes. Avec le recul, je me souviens de presque toutes les nouvelles. J'ai un très gros faible pour la nouvelle du titre, qui parle de Kate Bush, et de la vie. Comme toutes les autres.

[BD] Télémaque, Azuelos & Calvo
Excellente bédé sur Marseille, les grecs, tout ça. Vraiment magnifique. Encore meilleur que AK. C'est dire !

[BD] Pyongyang, Guy Delisle
Je ne suis pas fan de ces journaux autobio un peu paresseux. Le narrateur reste dans sa bulle, s'émerveille, s'étonne avec ses yeux d'occidental, puis repart. Bon.

Le livre de cendres, Mary Gentle
Des gros mots et du moyen-âge qui tâche. Fans de Conan, retournez dans vos parcs à jouets ! Le thème et certaines idées sont très sympa mais est-ce qu'on pourrait prier Mary Gentle :
1) de ne pas tirer à la ligne
2) d'arrêter de montrer qu'elle s'est documentée, on avait compris
3) de ne pas créer une méta-intrigue (celle du chercheur historien), ça ne marche pas.

Castelli di Rabbia, Alessandro Baricco
(en français : les châteaux de la colère). Un bon livre, très onirique, souvent brillant, parfois frimeur (pas italien pour rien), mais pas trop long et très bien écrit. Le billet ici le commente bien.

Une amitié absolue, John le Carré
Un bon John le Carré (je les ai presque tous lus, l'an dernier). Des intrigues tordues, des types paumés, dans notre monde, le vrai.

Stairways to Hell & la cité des crânes Thomas Day
Encore des textes de T.Day écrits avec les tripes. Du gore, du sexe, de la violence, quelques bonnes idées. Du mauvais goût à la tonne, mais totalement assumé. Au fond, je les trouve attachantes, ces histoires. Un petit faible pour la construction de "Maneki Neko" et pour la fin de la Cité des Crânes.

Titan, Stephen Baxter
Mon premier roman de SF depuis longtemps ! Une heureuse découverte. Agréable à lire, pas trop long, un point de vue intéressant sur l'évolution du monde et les voyages spatiaux. Ca m'a fait pleurer, tiens !

Le portrait vénitien, Gustaw Herling
Quelques nouvelles très fines, histoires italiennes délicates, parfois un tout petit peu fantastiques, tout dans le choix des points de vue des personnages. Le genre de livre qu'on relit quelques années plus tard.

La guerre d'Alan, le photographe, E. Guibert
Ces albums très connus maintenant développent une utilisation vraiment intéressante et originale du support "BD" pour faire de la littérature de témoignage. Ca donne envie de partir en Afghanistan !

Chien de faïence, Andrea Camilieri
Roman policier rigolo avec plein de siciliens tous plus terribles les uns que les autres. La traduction charmera ou agacera, c'est selon. Moi, je suis plutôt charmé.

Quelqu'un d'autre, Tonino Benacquista
Après Saga, lu l'an dernier, je confirme que Benacquista sait écrire des histoires faciles, très faciles à lire, et pas indispensables. Un livre très convenable, qu'on peut offrrir à tout le monde.

L'opéra de Vigata, Andrea Camilieri
Là, un récit historique étourdissant, à plusieurs voix, autour d'un fait divers étonnant et drôle : l'incendie de l'opéra de Vigata (Sicile) vers 1890. Un livre qui multiplie les styles, les intrigues, les tons... Du grotesque au romantique, des personnages plus vivants les uns que les autres, une virtuosité folle, le tout en 300 pages... Dans Chien de faïence, Camilieri s'amuse. Là, il donne toute sa mesure d'écrivain.
 La preuve que la littérature contemporaine italienne (Avec Erri de Luca, Barrico, Stefano Benni...) est infiniment plus intéressante que la littérature française.

Siva, Philip K. Dick
Une grande claque. Ce livre traînait dans ma bibliothèque depuis des années. L'histoire de la rencontre avec Dieu d'un ex drogué paumé dans la californie des années 70. Un livre vraiment drôle, bien écrit, fascinant de bout en bout. Et si l'exégèse vous intéresse, vous serez servis !

Cette aveuglante absence de lumière, Tahar Ben Jelloun
Une de mes autres révélations de cette année riche en bons livres. Voir article plus ancien.

[BD] Monster & 20th Century Boys, Naoki Urosawa
Je ne sais pas si c'est de la grande BD, mais c'est drôlement bien fait. D'excellents thrillers, à louper sa station de métro !

Les extrêmes, Christopher Priest
Un "petit" Priest, mais un bon bouquin quand même. Tous les romans de Priest explorent les perceptions subjectives de la réalité. Dans celui règne l'atmosphère un peu lynchienne de "une femme sans histoires".

La séparation, C. Priest
Voir article antérieur.

Les guerres de religion, Pierre Miquel
Une synthèse, très bien documentée et bien construite, sur les conflits de religion en France de 1523 à 1789. Malgré tout, ne peut pas se départir d'une vision très franco-française et républicaine de l'histoire. On sent que l'auteur s'intéresse surtout à la construction de la France actuelle. Mais contient des tonnes d'informations utiles pour faire jouer à Te Deum pour un massacre.

Noyau d'olives
, Erri de Lucca
Des textes courts, issus des méditations de l'auteur, non croyant, sur le texte biblique original, grec et hébreux. Des textes très brefs, très denses, souvent très forts, qui me parlent beaucoup.