07 novembre 2006

Rouge Brésil - JC Rufin


L'avantage de devoir se documenter sur un sujet, c'est qu'on peut lire toutes sortes de bouquins (même mauvais) sous prétexte de s'enrichir sur le sujet d'intérêt du moment.
Par exemple, en ce moment, puisque nous jouons du jeu de rôle se déroulant durant les guerres de religion, j'ai emprunté sans scrupules Rouge Brésil, de JC Rufin, à ma maman, qui se rajoute à ma longue liste de lectures "pour trouver des idées de scénarios".
De ce point de vue là, la lecture est un succès. Rouge Brésil est plein de "portraits tracés sur le vif" et de situations romanesques intéressantes. Je rêve d'en faire une petite série de scénarios.
De quoi est-il question? Le roman raconte la (tentative de) colonisation française du Brésil. Un échec flamboyant, à la mesure des moyens investis. Une histoire séduisante, aussi, pour les amateurs d'uchronies (et si les portugais n'avaient pas pris Fort Coligny? Rio de Janeiro se serait-elle appellée Genèbre ou Henryville?). Expéditions en bateau, famines, rencontres avec les trafiquants, les indiens, intrigues politiques, confrontations religieuses... Un beau résumé du "second seizième siècle", celui où les idées nouvelles virent aux idéologies (il y a notamment un tour de force : une très bonne présentation, concise, exacte et compréhensible, des divergences de foi entre catholiques et calvinistes). L'histoire est vue par les yeux de deux jeunes gens, Just et Colombe, qui vont naturellement nous présenter des points de vue différents et opposés sur ces tragiques évènements.
L'affaire est bien menée, le roman est sans longueurs et se lit aisément. De nombreux chapitres paraissent presque déjà écrits pour le cinéma et offrent un point de vue très "visuel". Il y a de l'action, des complots, de l'humour, en veux-tu, en voilà.
J'ai beaucoup d'affection pour le personnage de Villegaignon, chevalier de Malte, humaniste encore plongé dans le moyen âge et chef tonitruant de l'expédition. C'est le personnage le plus attachant de tous, et j'avoue être un peu déçu par son retournement psychologique final. Mais c'est du détail.

Le roman contient aussi quelques scènes d'une grande poésie, je pense notamment à la scène de la rencontre de Colombe avec les Indiens, que j'ai trouvée très belle et qui forme, je le sens, le coeur émotionnel du livre, l'axe autour duquel il tourne.
Quelques points moins flatteurs, maintenant. Je trouve l'auteur un peu roublard: il prend avec cette affaire un point de vue distancé, utilise pas mal de "trucs" de romancier, comme pour permettre au public lettré et au Jury Goncourt de bien voir la fable derrière le roman d'aventures, de bien distinguer qu'il s'agit d'un livre sérieux et non pas d'un divertissement. J'en prends pour témoin de nombreuses remarques ironiques posées sur les personnages secondaires, invitant le lecteur à sourire d'eux depuis son fauteuil pendant qu'eux survivent tant bien que mal dans la jungle. Stevenson n'aurait pas fait ça. On n'est pas dans l'aventure, on est invités à rester prudemment dehors. Ben oui, monsieur, c'est quand même de la littérature.

Les gravures sont extraites d'un compte-rendu d'expédition de l'époque, mais je ne sais plus si c'est celui de Jean de Léry ou celui de Thévet. Et je me demande si elles ont été dessinées "d'après le naturel" ou d'après des descriptions...

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