04 février 2009

L'évangile selon Pilate – E.E. Schmitt.

Voici la suite de mes notes sur mes lectures récentes...

Et tout d'abord, merci à Laurent B. de m'avoir prêté ce livre très intéressant.

Dans une première partie, l'auteur prend la voix d'un certain Yeshoua, de Nazareth, qui repense à sa vie avant de se faire arrêter par des soldats au jardin des Oliviers. On y apprend comment celui que ses fans appellent « le Messie », voire « le fils de Dieu », perçoit sa propre existence.

Dans la deuxième partie, on lit le journal écrit par P. Pilate, préfet romain en Judée, qui enquête sur la disparition du cadavre – suite à sa crucifixion - du même Yeshoua, agitateur politico-religieux notoire. Abordant toutes les hypothèses (cadavre volé, Yeshoua pas mort, etc.), Pilate rencontre les puissants du temps (le grand prêtre, Hérode, etc.) et cherche à comprendre l'incompréhensible.

On le voit, l'auteur s'est attaqué à un beau sujet – la rencontre Pilate/Yeshoua occupe d'ailleurs quelques pages du Maître et Marguerite, et Boulgakov en fait un moment à la fois hilarant et touchant. Contrairement à Boulgakov, Schmitt est un monsieur sérieux, il a lu les évangiles (pas un épisode ne manque dans son récit, belle synthèse), il a lu des textes de référence sur le Jésus historique, il a sans doute lu Flavius Josèphe, et ça se voit.

Et justement, ça se voit. A aucun moment, le livre ne dépasse le niveau d'un travail de compilation appliqué et peu inspiré. La première partie est la plus réussie, donnant une cohérence psychologique et factuelle « moderne » (un peu artificielle?) à la vie de Jésus, même si ce texte a de nombreuses limites. La « confession » de Yeshoua obéit à une convention romanesque triviale : Yeshoua se remémore sa vie parce qu'elle défile devant ses yeux, parce qu'il va mourir et parce que ça arrange bien l'auteur. Il se remémore pile poil tout ce qui se trouve dans les évangiles, plus deux ou trois faits inventés par l'auteur afin de lui donner une cohérence psychologique. Le rapport que fait Schmitt de la communion de Yeshoua avec son « Père » (un fait important, concernant le personnage, on voudra bien le croire), décrit comme une plongée dans un « puits de lumière » est remarquablement pauvre, alors que la littérature mystique offre des images bien plus fortes d'une telle sorte de rencontre (lire Rumi et ses quatrains amoureux, ou les folies mystico-érotiques de Thérèse d'Avila, pour le peu que j'en connais.)

La partie sur Pilate est encore plus laborieuse. Les lettres/journal de Pilate à Titus sont de la pure convention romanesque, sans aucune épaisseur ni vraisemblance, et plombent complètement ce récit très artificiel qui explore, une à une, les thèses classiques sur la prétendue résurrection du protagoniste. Même si, là aussi, la synthèse des principaux éléments à connaître sur l'époque (troubles politiques, sectes juives, philosophes grecs...) est très réussie.

La vision que donne Schmitt de Yeshoua me paraît très édulcorée, comme une gentille leçon de catéchisme tournée vers un lecteur pas très futé, à qui il faut tout expliquer avec des mots simples et qu'il faut surtout éviter de choquer. L'épisode de la transfiguration est reporté à après la résurrection, ce serait trop bizarre de le mettre avant, comme l'ont fait ces évangélistes pas très doués, et les paroles les plus dures de Jésus, ses prédictions apocalyptiques, «Pensez-vous que je sois venu mettre la paix dans le monde ? Non, je vous le dis, mais plutôt la division. », etc, sont tout juste évoquées, comme s'il fallait éviter de secouer le chrétien, ni d'effaroucher le non-croyant. Bref, un Jésus à l'aspartame et au goût marketé, facile à boire, vite oublié.

En cela, on rejoint mon sentiment plus général sur les livres d'E.E. Schmitt que je connais : un bon sujet, quelques idées, de la documentation, le tout écrit avec des moyens littéraires indigents, dans le but d'en faire un livre conventionnel et facile à avaler par le lecteur – est-ce une des raisons de son succès ?

Et toi ami lecteur, amateur de Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, de Oscar et la dame rose et de la part de l'autre, es-tu d'accord avec moi ?


1 commentaire:

  1. Pour ma part, j'ai adoré ce roman. La première partie est captivante et originale, quoi qu'un peu trop courte à mon goût. La seconde est aussi très bonne: elle prend la forme d'une amusante intrigue policière, tout en restituante une fresque de l'époque. le style est fluide et la lecture très agréable. J'adore, et je l'ai d'ailleurs préféré à Oscar et la dame rose, qui m'avait un peu déçu, et La part de l'autre, un peu trop schématique à mon goût.

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