21 décembre 2010

Le garçon doré - André-François Ruaud

Il y a des livres que je choisis de lire parce que je sais qu'il vont me permettre de passer du temps en compagnie d'une personne que j'apprécie. J'ai acheté le garçon doré parce que je sentais, à raison, qu'il faisait partie de ce type de livres intimes qu'on écrit autant pour soi que pour les autres.
Ce recueil de courtes nouvelles, allant de Londres vers 1920 au San Francisco de 1996, en passant par la Touraine ou Villeurbanne dans les années 80, met en scène des villes, des personnages fantastiques et des visions. André-François Ruaud (dont voici l'excellent blog - dix ans de blogging !) a un goût pour les villes, leurs détails, leurs ciels, leurs atmosphères. Et aussi pour les beaux visiteurs surnaturels, dieux égarés, anges en rollers, créatures célestes... Qu'ils soient l'objet de la quête ou bien de "simples" passeurs, permettant d'atteindre un Autre Côté fantasmé, entrevu, douloureusement désiré.
Les textes paraissent avoir été écrits sur une période aussi longue que les dates indiquées pour les récits le laissent entendre (personne ne doute qu'AFR soit né à l'époque victorienne, ou du moins qu'il y ait passé une partie de son adolescence), j'en ai trouvé certains plus aboutis que d'autres, ceux qui relèvent franchement du conte et de la vision étaient notamment plus forts que ceux mettant en scène une vie plus quotidienne. L'ensemble dégage une impression douce, mélancolique et touchante.
Et la couverture de l'ensemble est très belle.


Editions de la Clef d'Argent.
Commande possible ici.

16 décembre 2010

Stalker / Pique-nique au bord du chemin - Arkadi et Boris Strougatski

lasth stalkerPour une fois, j'ai envie de recopier le quatrième de couverture, qui ne gâche rien du livre et en révèle bien le propos.

Des Visiteurs sont venus sur Terre. Sortis d'on ne sait où, ils sont repartis sans crier gare. Dans la Zone qu'ils ont occupée pendant des années sans jamais correspondre avec les hommes, ils ont laissé traîner des objets de toutes sortes. Objets-pièges. Objets-bombes. Objets-miracles. Objets que les stalkers viennent piller au risque de leur vie, comme une bande de fourmis coloniserait sans rien y comprendre les détritus abandonnés par des pique-niqueurs au bord d'un chemin. 
Adapté au cinéma en 1979 par Andreï Tarkovski, Stalker ou Pique-nique au bord du chemin (ici publié [2010] pour la première fois en France en version intégrale) est le chef-d'œuvre des frères Strougatski. Un roman qui a eu un tel impact sur le XXe siècle que c'est sous le surnom de stalkers qu'on connaît désormais les hommes et femmes qui ont étouffé le cœur du réacteur en fusion de Tchernobyl, entre le 26 avril et le 16 mai 1986.

J'avais quelques a-priori idiots sur ce roman. Que, par exemple, comme c'était un roman russe, il serait forcément compliqué et plein de références qui m'échapperaient. Et que parce qu'il datait de l'époque soviétique, l'histoire se déroulerait dans une URSS bizarre, toute grise et brune. Tout ça est bien sûr faux. Rien n'est compliqué dans Stalker et l'histoire ne se prend pas place pas en URSS. 
Stalker est un authentique roman de science-fiction, en cela qu'il part du postulat indiqué dans le quatrième de couverture (la Visite) et en tire les conséquences sociales et scientifiques. Et Stalker est un très bon roman tout court, par le traitement très fin et poignant des personnages, par son immersion dans leur vision, parce qu'on voit la Zone (et les conséquences de la Visite) uniquement à hauteur d'homme, à hauteur d'un homme, un stalker, à la fois chasseur de trésors, contrebandier et démineur, qui s'enfonce pour toutes sortes de mauvaises raisons dans la Zone afin d'en extraire des trésors étranges dont il ne saurait que faire sinon les revendre pour un paquet de billets. S'il reste quelque chose de russe dans le livre, c'est sans doute la vision de l'Homme sous-jacente. Oserais-je prononcer le mot "métaphysique" ?
La Zone est une idée très puissante, que j'ai vue reprise plusieurs fois, par exemple chez Bilal (Immortel) ou chez Philippe Curval (Congo Pantin, que j'avais déjà chroniqué). Lisez Stalker. Découvrez, à vos dépens, les ravages de la "gelée de sorcière" ou de la "calvitie de moustique". Et quand vous serez perdus, espérez un miracle.


Couverture du livre by Lasth (making of, ici)
Publié aux éditions Denoël.

12 décembre 2010

Seuls - Vehlmann et Gazzotti

Grâce au Grand j'ai pu lire, d'un coup, les 5 premiers tomes de la série Seuls, de Gazzotti et Vehlmann. D'un coup, c'est le cas : il y a suffisamment de suspense et de terribles cliffhangers pour ne pas lâcher les albums et passer tout de suite d'un tome à l'autre.




Voici le pitch : une ville moyenne de France. Un matin, cinq gosses (qui ne se connaissaient pas) se réveillent. Tout le monde a disparu, les adultes, les enfants, les vieux... La ville est vide. Ils sont terrorisés, se croisent, se réunissent, forment une petite bande. Voici donc Dodji, orphelin et dur à cuire, Leila, énergique et bricoleuse, Yvan le fils de riche, Camille la petite blonde à lunettes et Terry le sale gosse.
Et bien sûr, ils cherchent d'autres survivants...



Le scénario est bien mené, les personnages sont attachants, le dessin de Gazzotti (qui a aussi fait l'excellent Soda) marche très bien, c'est une très bonne série, très recommandable. Elle vise les enfants mais n'hésite pas à aborder des scènes assez dures - les animaux font franchement peur, les personnages souffrent et saignent, les gosses de cette histoire sont modernes, ils ont entendu parler du sexe, du 3ème reich et ils se posent d'amusantes questions. Yvan a même une culture SF ce qui lui permet de faire une mise en abyme et de faire le tour, dans le premier tome, des principales hypothèses liées à la disparition des autres...



Il s'agit donc d'une BD hautement recommandable, merci le Grand.
Je voudrais ajouter une petite considération scénaristique : cette série fonctionne sur le mode suivant : chaque tome contient une histoire indépendante qui participe à l'arc narratif global, ce dernier étant basé sur le mystère de la disparition. Cette construction est solide et fonctionne bien. J'ai toutefois trouvé les questions posées par les différents épisodes, pris individuellement, et les solutions proposées, plus intéressantes que le traitement du Grand Mystère, qui ne peut être que décevant. En ça, le cinquième tome, qui apporte quelques réponses, m'a paru moins bon que les autres.
Je vois là une évolution de mon goût personnel : je préfère les mystères aux explications. L'émotion artistique que me procure le mystère est bien plus grande. J'aurais parfaitement pu imaginer que les personnages de Seuls trouvent non pas une, mais plusieurs explications cohérentes au phénomène dont ils sont témoins, aucune n'étant pleinement satisfaisante, et qu'ils continuent leurs aventures dans ce monde sans jamais rien comprendre. Un peu comme nous autres hommes face aux grands mystères de la science ou de la foi.
Ce goût pour l'incompris risque d'influencer, en mal peut-être, mes prochaines productions personnelles... On verra.

22 novembre 2010

L'archipel du rêve – Christopher Priest

CouvertureJ'avais retenu de ma lecture de la fontaine pétrifiante – outre un propos d'une intelligence rare sur la littérature d'imagination – ces passages rêvés où le héros, embarqué sur un cargo glissant d'île en île traversait l'archipel du rêve, étrange assemblage de petites contrées à l'atmosphère parfois méditerranéenne, parfois tropicale, où la modernité paraît s'être arrêtée, où les coutumes et les interdits déroutent les étrangers, où les femmes sont séduisantes et un peu étranges.
Le recueil l'Archipel du rêve m'a permis d'y retourner, et je ne comprends pas pourquoi j'avais si longtemps boudé mon plaisir. Nous avons là une demi douzaine de nouvelles, écrites sur une période assez longue, qui prennent pour cadre les îles de l'archipel. Le contexte apparaît un peu plus clairement que dans la fontaine pétrifiante : dans le monde de l'archipel, pas très éloigné du nôtre dans les années 60, une guerre dure depuis longtemps entre deux grandes entités, le Faianland et la Fédération. Le genre de guerre sourde et lointaine, qui ronge les vies et les familles et rend les pays froids et tristes. L'archipel, situé entre les nations et le continent austral (où se déroulent, on ne sait pourquoi, les opérations militaires) est une zone de neutralité, d'évasion, de fuite. Les histoires sont toutes construites sur un schéma très priestien : des personnages un peu paumés, des désirs inavoués, des situations pas claires qui font douter de leur propre expérience. On sent derrière ces récits des rêveries, des logiques oniriques, parfois douces, parfois cruelles, que l'art de Christopher Priest sait transformer en histoires vertigineuses et kaléidoscopiques. J'ai plusieurs fois admiré la rouerie de l'auteur, son talent pour nous faire douter de ce que nous lisons, de ce que nous ressentons. J'ai surtout aimé encore plus qu'avant cet espace imaginaire, ce lieu de fantasmes érotiques, de voyages immobiles, de vertiges et d'illusions, cette destination onirique qui pourrait être la mienne.


P.S : en revoyant les critiques, je me rends compte que ce livre est passé relativement inaperçu à sa sortie. Quel dommage... Je le dis et le redis alors : Christopher Priest est un très grand auteur, un maître du vertige.
P.P.S : lisez les critiques ci-dessous, si vous doutez encore !


20 novembre 2010

La Horde du Contrevent - Alain Damasio

J'arrive après la bataille, ce livre est paru voici des années, vous l'avez tous déjà lu. Comment ça, non ? Ce n'est pas le cas ? Alors vous avez de la chance. Parce que vous allez pouvoir découvrir un des meilleurs romans français de ces dernières années. Je n'ai pas dit roman de SF, ou de fantasy, le classement n'a pas d'importance.
L'accroche du livre est simple. Dans un monde où le vent souffle éternellement, de l'amont vers l'aval, en slamino, en crivietz, en blaast, en choon, en furvent... l'Hordre d'Aberlaas envoie depuis des siècles des expéditions vers l'Extrême Amont, en une quête physique, initiatique et mystique. Atteindre l'amont signifie comprendre le sens du monde, trouver les neuf formes du vent. Bienvenue donc dans une marche épuisante, aventureuse, magnifique, avec la 34ème horde, menée/guidée/tractée par une grande gueule, le neuvième Golgoth, une brute puissante et inaltérable. Vous marcherez avec les 23 membres de la horde, depuis les porteurs, les chasseurs, en passant par la feuleuse, l'autoursier, le fauconnier, le combattant-protecteur, le troubadour, le scribe, le prince...
La Horde du Contrevent est un voyage fabuleux, dans un monde signes et de mots. Rarement j'avais vu la forme d'un roman épouser, épuiser aussi bien son fond. La construction de l'histoire, la langue, la structure, les voix, tout se répond et se complète. 
La Horde n'est pas un bon livre. C'est un très grand livre. Il n'est pas pour les amateurs de SF, les lecteurs de tolkienneries ou les jeunes filles prépubères amatrices de vampires. C'est un livre pour tous ceux là à la fois, en vérité pour tous les amateurs de bons livres exigeants, fascinants, beaux et drôles. Je me sens à cours de mots pour en parler car l'expérience dépasse ma pensée, c'est le signe des vraiment bons livres.
Et si jamais vous êtes comme j'étais, un peu intimidé, un peu énervé par la perspective d'ouvrir un livre que trop de gens de ont aimé (et qui en devient donc suspect), ouvrez-le, lisez les cinq, les dix premières pages. Vous verrez.
Tracez, tracez, contrez !

12 novembre 2010

Summer wars

Je parle de temps en temps de films d'animation par ici. Je suis un grand amateur de l'oeuvre de Myiazaki, mais aussi de celle de Satoshi Kon, malheureusement décédé voici quelques semaines (snif !). Pour découvrir un nouveau réalisateur, sur le conseil de Parrain Cédric, nous avons décidé avec Cecci d'aborder l'oeuvre de Mamoru Hosoda.



Summer wars est un film dont le pitch n'avait pas grand chose pour m'intéresser : il y est question d'un lycéen plus fort en maths qu'en filles, invité par la plus jolie fille du lycée à une partie de campagne – on devine là le catalogue des poncifs de l'univers imaginaire japonais. On y trouve aussi un monde virtuel, Oz, sorte de croisement entre un méga-facebook et Second Life, ou des millions d'avatars font ce que nous faisons tous les jours sur internet : acheter des bouquins, bavarder, déclarer nos impôts, jouer...

Et en fait, summer wars est un film formidable. C'est un film incroyablement énergique, gentil, positif. L'histoire est très maligne, à la fois fraiche, touchante et totalement contemporaine. Le scénario trace le portrait de l'étonnante famille Jinnouchi, l'équivalent japonais d'une famille de vieille noblesse d'épée française, avec son vieux chateau à la campagne et ses fêtes de famille. L'histoire est drôle, palpitante, émouvante, se permettant même de beaux moments contemplatifs (je pense notamment à la scène du petit matin où...)
Graphiquement, l'ensemble est splendide : qu'il s'agisse des décors du chateau, du monde virtuel d'Oz, des scènes de combat dans cet univers... Le film donne à voir, il incarne de grands fantasmes d'informaticien. Il suffit de voir l'inventivité des interfaces que manipule Love machine, la manière dont les avatars interagissent... Là où facebook reste un site internet relativement laid, Oz incarne ce que pourrait être un réseau social pleinement développé.
Bref, c'est beau, c'est intelligent, c'est marrant, c'est poétique, c'est grand public et c'est surtout très positif. Malgré son drôle de titre, il faut voir summer wars.

La délicate rencontre de Kenji avec la grand-mère de Natsuki...


King Kazma, un mon avatar préféré


Le clan Jinnouchi


Et, ce qui m'a vraiment ému, le film est placé sous la protection de John et Yoko

11 novembre 2010

Bara Yogoi - sept autres lieux

J'avais dit ici tout le bien que je pensais du précédent recueil de Jacques Mucchielli et Léo Henry, un voyage dans l'imaginaire de Yirminadingrad, cité déglinguée d'Europe de l'est, un lieu littéraire où je me suis senti vite chez moi. Bara Yogoï prolonge ce recueil de sept nouveaux textes "gravitant" autour de Yirminadingrad. On croit reconnaître des lieux, des noms, des situations évoquées dans le premier recueil.
L'écriture est plus aboutie et plus maîtrisée que dans le premier recueil et les amateurs de voyages bizarres seront satisfaits. J'ai été moi-même ravi du voyage dans ces sept autres lieux. J'avertis toutefois mes chers lecteurs : Bara Yogoï n'est pas un livre facile. A la manière des textes de Daylon ou des recueils de nouvelles de David Calvo, il faut aborder cette collection avec un regard curieux et en sachant qu'on n'aura là que quelques pièces d'un puzzle, sans doute incomplet, en partie brûlé et auquel un gosse mendiant aurait rajouté des morceaux découpés dans du carton. Outre l'intérêt de ces textes par eux-mêmes (chronique de banlieue, plongée ethnographique chez des réfugiés bien abimés d'un abri souterrain, récit d'emprisonnement...), une partie du jeu consiste à comprendre comment ils se relient aux autres textes du recueil et surtout au premier livre. Ne vous inquiétez pas : vous trouverez des réponses et vous vous perdrez.
Bon voyage.


Edit : ce livre peut être commandé directement auprès de son éditeur, Dystopia. http://www.dystopia.fr/


PS : tout comme Yama Loka, Bara Yogoï est un beau livre. Et je pense que Stéphane Perger n'y est pas pour rien.

08 novembre 2010

Exposition Gérôme au Musée d'Orsay

Je ne suis a priori pas trop fan de ce genre de peinture: Gérôme, c'est le réalisateur hollywoodien racoleur de son temps. De beaux décors, des sujets historiques, des filles nues, des gladiateurs, des sujets vendeurs... Une image impeccable, une réalisation léchée, une mise en scène magistrale. L'envie véritable de plaire au public et de vendre.
Là où l'exposition de son oeuvre au musée d'Orsay est excellente, c'est qu'elle permet de plonger dans la carrière de ce notable doué, de comprendre la mécanique de l'oeuvre, ce jeu entre érudition, érotisme soft, goût pour le drame et envie de faire plaisir au public sans trop de scrupules.


Quelques aperçus :


L'affiche de l'expo, une scène classique de péplum... Avant les peplums


Le duel après le bal masqué... Ca donne envie d'inventer l'histoire qui va avec

Une crucifixion intéressante, par un homme qui avait peu de religion

Et c'est parti pour les fantasmes... le marché aux esclaves...


...et les bains. 


Les peintures sont magnifiquement exposées, les couleurs éclatent, le discours est clair. Je reste fasciné par l'orientalisme, cette projection en Europe d'un Orient fantasmé, par la manière dont la photo vient nourrir la peinture et par la filiation assumée de certains peplums avec la peinture de Gérôme. Tout ça était excellent.

05 novembre 2010

Andromaque à la Comédie Française

Puisque Cecci et moi avons passé un peu de temps à Paris, nous en avons profité pour faire une petite cure culturelle. Retour à la Comédie Française, donc. La dernière fois, ça devait être pour Figaro divorce, il y a deux ans...
Cette fois-ci, Andromaque, de Racine. La guerre de Troie a passé, Pyrrhus, fils d'Achille, détient chez lui la femme d'Hector dont il a fini par s'éprendre (sentiments qui ne lui sont pas rendus). Oreste arrive, envoyé par les Grecs, qui voudrait qu'on lui livre le fils d'Andromaque... Pas facile, vu que Pyrrhus est amoureux. Mais Hermione, délaissée par Pyrrhus et objet de l'adoration d'Oreste va mettre son grain de sel dans l'affaire...
Ce qu'il y a d'admirable, chez Racine, outre sa langue de grand style, c'est la mécanique du dilemme. A chaque acte son problème, et à peine un problème évacué (que faire d'Andromaque et surtout de son fils ? Faut-il écouter/épouser Hermione ?...), un nouveau problème se pose, comme un mécanisme bizarre qui ne pourrait aller que jusqu'à la catastrophe.
Je dois bien reconnaître, le texte est bon et la pièce, excellente.



Quant à la mise en scène...
Muriel Mayette, la metteuse en scène (et directrice du théâtre, ceci explique sans doute cela) a dû se souvenir que la Comédie Française devait garder le patrimoine. Alors elle a monté une Andromaque belle comme de l'antique : avec des colonnes, des acteurs habillés de vagues trucs antiques (ressemblant un peu à des serpillères), un peu zombies, un peu statues. C'est lent, compassé, à mourir d'ennui. Les acteurs se défendaient comme ils pouvaient (j'aimais beaucoup Hermione et Oreste, notamment - pas trop Andromaque, trop matrone) mais ils paraissaient englués dans la poussière.
A tout le moins, on a entendu le texte...

04 novembre 2010

Pierre Etaix à Vidy


Il existe de jeunes artistes talentueux mais aussi de vieux artistes talentueux. Pierre Etaix en fait partie.


Je n'avais jamais entendu parler de monsieur Pierre Etaix avant de lire ce post sur le blog du Docteur Orlof. Etaix est un comique multi-casquettes : auteur dramatique, gagman (j'adore ce nom de métier), clown, magicien, cinéaste... Le spectacle Miousik Papillon tient quant à lui du music-hall : collage de numéros liés par un fil surréaliste (mais mettez vous à ma place ! – D'accord !) avec un pianiste virtuose  pas si virtuose, mime, chansons de jazz, clowns, vieux magicien chinois avec les dents en avant, excès de vitesse en jouant Chopin et angoisses surréalistes de Triboulet, diseur, qui fait des rêves angoissés en apercevant son double dans la salle.


Ce spectacle fait partie de ceux qui émerveillent parce qu'ils sont habités la grâce. La légèreté du jeu des artistes fait oublier les milliers d'heures de travail qu'on imagine nécessaires pour mettre en place une telle fluidité, une telle élégance. Tout coule, tombe en place, les gags, les situations, les personnages. C'est simple et merveilleux. Merci, M. Etaix.
(spectacle malheureusement complet à Vidy mais s'il tourne, ne le manquez pas !)





PHOTOS AND COPYRIGHT
MARIO DEL CURTO


06 octobre 2010

Transparence des relations - fin

Après bientôt trois semaines, l'expérience ouverte avec transparence des relations touche à sa fin.
Merci à tous ceux qui l'ont suivie, soutenue et relayée. Merci pour les mails d'encouragement, pour les appels à l'éditeur, pour vos questions et votre soutien.
La dernière version du livre se trouve maintenant en librairie. La dissociation a eu lieu et plus personne ne peut rien en dire. Surtout pas moi.



27 septembre 2010

Chien du heaume - Justine Niogret

Une lecture faite grâce à l'excellent Xavier, de Scylla, puissent les dieux bénir sa librairie et faire pleuvoir sur lui la prospérité !

Chien du heaume est un récit vendu comme une quête un peu gore dans un Haut Moyen Age historique. Chien du heaume est le nom (moitié hommage, moitié insulte) donné à une femme mercenaire armée d'une hache. Elle est petite, laide et n'aime pas qu'on la provoque. Elle tue ceux qu'on lui dit de tuer, pour pouvoir manger, le monde n'est pas très aimable ma bonne dame. Dans Chien du heaume, l'hiver est froid, les nuits sont dures, la forêt est un monde de ténèbres humides où l'on ne pose les pieds qu'avec hésitation. L'évocation du moyen-âge est loin des clichés aimables, on est plutôt ici dans une version glacée et désespérée de l'époque.

Tout cela je le savais avant de lire le livre et de fait, le livre tient ses promesses de froid de désespoir et de violence. Mais au fond, le sujet n'est pas là. Car dès le troisième chapitre, Chien se trouve un ami/protecteur, un maître qui la nourrit dans son château des brumes. Et là le roman, tout en gardant les teintes évoquées précédemment, bascule dans une curieuse douceur. Certes, on y voit des guerriers couverts de fer, un tueur au masque de Salamandre, des représentants d'anciens peuples battant le tambour dans des forêts humides. Mais le maison où se réfugient les mercenaires sans visage, où le Seigneur Sanglier enferme son épousée/enfant de neuf ans, où le forgeron Regehir conte et se lamente et bat le fer dans les ténèbres, cette maison devient pour Chien et le lecteur un refuge, un cocon dont on ferme les portes face à l'hiver, dont l'on cherche l'ombre en été. L'espace d'une enfance, d'une gestation, d'une transformation, et c'est là l'aspect le plus intéressant du livre.
Chien du heaume n'est pas un roman parfait. C'est un livre sincère, prenant, avec sa propre musique, qui ouvre plus de portes qu'il ne suit de chemins. Certaines scènes sont des ébauches, certaines situations ne sont pas développées autant qu'elles pourraient. Sa sincérité fait sa force. Une chanson née de l'angoisse, du malaise, d'envies de violence, d'amour et de douceur.

17 septembre 2010

Transparence des relations (edit)

Un peu de communication personnelle, une fois n'est pas coutume.

Il semble parfois vain d'agir. Mais le projet me tient à coeur et je voudrais lui donner une chance de vivre pleinement sa vie. Voici ma manière (sans doute ridicule) de le défendre.
Au nom de la transparence !


Mise à jour:
le commentaire de Gromovar sur la première version de ce post me laisse penser que je n'ai pas été très explicite. Je cherche à défendre la parution de Cleer / une fantaisie corporate, à laquelle j'accorde un intérêt légitime. 
Le blog Au bout de la corde n'est pas vraiment le lieu d'une telle défense (je l'ai toujours pensé comme un espace de chroniques culturelles et affinités plutôt que comme un espace auto-promotionel - mais d'autres verraient peut-être les choses autrement).
C'est pourquoi j'ai ouvert un autre blog, Transparence des relations, qui développera les différents moments de la vie éditoriale du livre, quelle que soit sa destinée.

Transparence des relations

Un peu de communication personnelle, une fois n'est pas coutume.


Il semble parfois vain d'agir. Mais le projet me tient à coeur et je voudrais lui donner une chance de vivre pleinement sa vie. Voici ma manière (sans doute ridicule) de le défendre.
Au nom de la transparence !


http://transparencedesrelations.blogspot.com/

21 août 2010

Au sujet du podcast...

La publication du dernier épisode de Mademoiselle Belle marque la fin de mes tentatives de podcast.
On retrouvera une liste brève des morceaux podcastés sur cette page. Je ferai peut-être une publication un peu mieux packagée (images, résumés, etc.) des épisodes déjà produits, mais je ne prévois plus de publications régulières à court ou moyen terme (même si j'ai trouvé, dans un certain recueil de nouvelles de SF français, un texte que j'aimerais bien lire...).


Quelques explications, pour les curieux.
Mon idée, derrière le podcast, était de pratiquer la lecture à haute voix, discipline que j'apprécie beaucoup et que je ne pratique pas assez, et de trouver un nouveau canal de diffusion pour des textes personnels et pour des textes que je jugeais trop mal connus. Cette activité s'ajoutait à un paquet d'autres, parmi lesquelles : une vie familiale intéressante, une vie professionnelle exigeante, l'écriture de romans et nouvelles, etc. Je ne voulais pas que la réalisation des enregistrements me prît trop de temps.
Au final, j'ai calculé que pour réaliser un podcast de niveau correct, il me fallait compter 5 à 6 fois le temps de lecture du texte de travail. Soit 3h de boulot pour 30' de résultat final. Ce temps comprend :
- une prélecture du texte suivie d'une phase d'édition de ce dernier (pour mes textes personnels, bien sûr : la lecture à voix haute fait voir des milliers de défauts...),
- l'enregistrement, en plusieurs prises, de la lecture du texte,
- le montage de ce dernier,
- la préparation du billet
Je suis loin d'être satisfait du résultat obtenu, qui est à des kilomètres encore des lectures à haute voix que j'aime et apprécie. Celles d'utopod, et surtout celles de Sophie Loubière, dans Parking de Nuit, maudite soit la direction de France Inter qui a mis fin à cette belle émission. Sophie, vous allez me manquer, je suis sûr que vous auriez aimé lire à l'antenne Maurice Pons et David Calvo.
J'ai déduit de tout cela qu'il allait falloir travailler quelques fondamentaux pour progresser : la diction, la technique d'enregistrement, l'intonation, etc. Lire pour s'enregistrer ne s'improvise pas du tout. Je m'y remettrai peut-être quand je serai plus à l'aise.


Un peu de technique:
j'ai utilisé pour l'enregistrement un micro Samson Go Mic, branché directement en USB sur mon mac.
L'enregistrement et le montage ont été réalisés avec Garage Band.
Le podcast a nécessité l'utilisation de blogger et de feedburner.
Je lis généralement en une prise, en me reprenant chaque fois que je rencontre des difficultés. Le montage élimine ensuite toutes les nombreuses scories.


Je remercie pour leurs conseils et leur soutien: Lucas Moreno, Cédric et Sylvain. Cédric Ferrand, Effelle et tous ceux qui m'ont fait des retours ou qui m'ont soutenu sur ce projet. Et Norn, bien sûr, qui m'a permis d'utiliser des extraits de l'excellent album Fridj.


Les amateurs de SF francophone podcastée se tourneront avec bonheur vers la référence en ce domaine, Utopod. Je sais maintenant la quantité de travail qu'il y a derrière ces publications, et je félicite Lucas et ses amis pour la qualité obtenue.

Ses cheveux blonds étaient défaits, emmêlés


Ses cheveux blonds étaient défaits, emmêlés, collés par la sueur et la peur à son front, sa longue chemise rouge déchirée la rendait aussi troublante que plus tôt dans le kiosque… Elle était griffée par endroit et la chair de ses poignets portait les marques se ses liens.. Si je me fais enlever par un dragon, viendrez-vous me sauver ?




Voici la cinquième et dernière partie de Mademoiselle Belle, le récit commencé dans ce billet.
Résumé de l'épisode précédent : Jaël est tombé dans le labyrinthe, il est temps de faire face aux monstres...

Ici, la page du recueil aux éditions Mnémos, qui m'ont donné l'aimable autorisation de lire ce texte en ce lieu.
Une page consacrée à Jaël, sur le site de l'auteur.
Image (c) Fragonard

Comme je l'ai déjà dit à Effelle, cette version du texte est très différente de celle publiée aux éditions Mnémos. Le style a été énormément retravaillé, et mériterait d'être travaillé encore. 

Les ennemis du RSS et ceux qui ignorent ce sigle pourront s'abonner par e-mail dans la colonne de droite de cette page.

Télécharger l'enregistrement en mp3.



Générique : extrait de Fridj, par Norn. Tous droits réservés.


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Enregistrement mis à disposition sous un contrat Creative Commons.

12 août 2010

Une fenêtre lui révéla le jardin plongé dans la nuit sous la lune encore haute.

Il était dans un des couloirs du palais, longeant les murs, l’esprit brumeux et le pas hésitant. Il avait dû sortir de la salle aux plafonds étoilés, mais impossible de savoir quand ou comment... Une fenêtre lui révéla le jardin plongé dans la nuit sous la lune encore haute. Il avançait en titubant dans un couloir indistinct au milieu d’une aile déserte. Pas de musique, pas de rires ni de conversations, pas même les murmures des alcôves ; il faisait froid.



Voici enfin la quatrième (et avant-dernière) partie de Mademoiselle Belle, le récit commencé dans ce billet.
Résumé de l'épisode précédent : Jaël tente d'oublier dans les distractions, jeux et drogues, le fait d'avoir abandonné Cidalise à son sort. Et il y arrive plutôt bien, d'autant que la compagnie de madame Meriel est bien agréable. Mais après l'ivresse viennent toujours des moments de lucidité...



Ici, la page du recueil aux éditions Mnémos, qui m'ont donné l'aimable autorisation de lire ce texte en ce lieu.
Une page consacrée à Jaël, sur le site de l'auteur.
Image (c) Fragonard

Les ennemis du RSS et ceux qui ignorent ce sigle pourront s'abonner par e-mail dans la colonne de droite de cette page.

Télécharger l'enregistrement en mp3.



Générique : extrait de Fridj, par Norn. Tous droits réservés.


Creative Commons License
Enregistrement mis à disposition sous un contrat Creative Commons.

La cité du soleil - Ugo Bellagamba

La cité du soleil est un récit à la thématique élégante : une jeune femme parcourt la Provence, au printemps, pour retrouver celui que son coeur aime : Paul, chercheur, obsédé par la cité du Soleil, une utopie de Tomasso Campanella, un dominicain du 17ème siècle. La disparition de Paul a ceci d'inquiétant qu'il prétend, au mépris de son travail de thèse en cours, retrouver la fameuse cité utopique, quelque part en Provence.
Avec sa cité disparue et son goût pour l'utopie, ce récit rappelle Nulle part à Liverion, la remarquable nouvelle de Serge Lehman. Le thème du soleil est décliné avec humour et élégance, entre références au grand roi Soleil, aux Cités d'or, etc, et la visite de la Provence est, ma foi, tout à fait agréable, comme chaque fois que j'ai le plaisir de visiter dans un récit des lieux que je connais et que j'aime. Reste que les personnages ne sont pas loin du cliché (notamment cette pauvre Laura), que les dialogues sont carrément didactiques et le récit de quête un peu mou. La progression psychologique de l'héroïne n'est pas tout à fait plausible et je ne comprends pas tellement pourquoi elle parvient à rejoindre son amant.
Un récit intelligent, donc, porté par une narration un peu faible. Une bonne lecture toutefois, que je recommande. Je m'attaque bientôt aux deux autres nouvelles de ce recueil.

06 août 2010

Bifrost 58 - nouvelles de SF francophone

De la vraie science-fiction, avec des extraterrestres, des robots et des voyages interstellaires dans ce numéro 58 de Bifrost.
En voici une brève critique :


Trois hourras pour Lady Evangeline, de Jean-Claude Dunyach
Une jeune garce de la meilleure société est envoyée dans une pension privée de l'autre côté de la galaxie, loin de ses parents. Mais la première journée dans l'institution ne va pas du tout ressembler à ce à quoi elle s'attendait... 
Un texte très distrayant, une vraie aventure spatiale, avec un propos somme toute classique sur l'adolescence et l'évolution du corps, mais incarné de manière... originale. On voit dans ce récit combien la science-fiction est un très beau terrain pour prendre les métaphores au pied de la lettre.


Miroirs mutilés, de Claude Ecken
Un couple de la classe moyenne japonaise. Une visite à la vieille maman et un repas familial sous les cerisiers en fleurs. Et le robot chargé d'assister la vieille femme dans sa vie de tous les jours est encore en panne. Heureusement que son gendre (qui travaille pour la firme de robotique) va pouvoir le réparer...
Malgré un certain nombre de contraintes périlleuses, Claude Ecken écrit ici un texte très délicat. Je ne connais pas assez le Japon pour juger de la pertinence du cadre familial et des coutumes qu'il décrit, mais tout sonne juste. Le texte évoque de façon curieuse et intéressante la manière dont la présence de robots peut peser sur les histoires familiales.
Je regrette juste la petite digression explicative lors de la visite dans la firme de robotique qui, si elle n'est pas honteuse, détonne un peu avec la finesse psychologique et narrative du reste du texte.


Rempart, de Laurent Genefort
Une histoire distrayante encore qui la aussi incarne de manière tout à fait radicale un des maux de notre société : la prolifération des étrangers dans les pays industrialisés. Ils se cachent partout, s'installent partout, et certains bons citoyens sympathisent même avec eux...
La narration très énergique et efficace montre tout le métier de l'auteur. Une lecture sympathique même si on n'a pas là un grand texte.


Ces trois nouvelles témoignent de trois auteurs tout à fait matures, au métier solide, qui savent mêler un propos intelligent avec une narration distrayante. J'ai une préférence marquée pour le texte de Claude Ecken, avec sous-entendus sont inquiétants...

04 août 2010

Constellations – Daryl et Popcube





Constellations est une BD un peu manga dessinée par Popcube, scénarisée par Daryl. Des adolescents, dans un stade, après une étrange apocalypse. Une vie de débrouille, de petites guerres, de musique, dans une montagne de détritus. Parfois les ombres descendent du ciel et raflent les vivants. Quatre personnages : Efrim, celui qui explore, Daniel, celui qui écrit, Minia, celle qui subit et qui inspire, Fanny, celle qui crée.






On reconnaît dans ces albums la voix unique de David Calvo. Des doutes, des questions, des aphorismes mystérieux et des métaphores incarnées (le stade, les étoiles, les trous, les anoraks, la musique, la lumière) - de la poésie, en fait. On y voit son goût pour les systèmes fermés où toutes les questions importantes peuvent être posées et résolues (comme dans Ak, même si Constellations n'a rien d'humoristique). Si on ne comprend pas tout on se laisse bercer par le mystère et on s'accroche à ces quatre personnages qui vont changer leur monde. L'histoire n'est pas finie à la fin du tome 2 et je ne crois pas qu'elle puisse vraiment bien se terminer. Je suis sûr, simplement, que quelque chose va briller et se manifester, qui donnera à ces prisonniers la lumière d'un ailleurs.
Le dessin de Popcube est faussement simple, malin, expressif.
L'histoire n'est pas facile, troublante comme un mauvais rêve.
Les constellations valent la peine d'être découvertes.

03 août 2010

Inception - de Christopher Nolan

Après l'exposition Hopper, nous avons cédé à la mode du moment.






J'ai été séduit par le propose de ce méta-film-d'action : jouons à construire des labyrinthes, des labyrinthes dans les labyrinthes. Ralentissons le temps, suspendons les corps, et que les chutes durent des éternités, le tout jusqu'au vertige. A défaut de personnages sévèrement construits, on a des acteurs sympathiques et aimables à suivre dans tout ce kaléidoscope bruyant.


Cecci a eu du mal à accrocher, rebutée par la lourdeur du mélange, de la musique et de la psychologie des personnages. La présentation des relations père-fils dans le cinéma hollywoodien est pleine de clichés affligeants.


Le tout est filmé avec une certaine élégance et se laisse bien regarder par un bel après-midi d'été.


P.S. : j'avoue avoir été amusé par le rapprochement entre ce film et cet article de Rafik Djoumi, lu sur le site de l'excellent @rret sur images (abonnez-vous!).

02 août 2010

Exposition Hopper à l'Hermitage

Hier dimanche était une belle journée pour nous rendre à l'Hermitage voir l'exposition Hopper.
Je dois à Alain Korkos d'avoir appris à regarder les tableaux de ce peintre. Ses images dégagent tout de suite une impression de familiarité : on est dans un univers codifié, celui des Etats-Unis de l'entre deux guerres, les Etats-Unis universels. A partir d'une peinture faussement réaliste, Hopper nous présente des situations simplifiées, tendant vers l'universel. Il fait rejaillir l'infinie étrangeté du réel et c'est en ça qu'il me touche.
Très belle, l'exposition comprend notamment les moments suivants :



- une salle consacrée à la période parisienne de Hopper, dont le fameux soir bleu, mais aussi de très belles représentations des quais de Seine.







- plusieurs présentations des illustrations et des eaux-fortes qui lui permirent de gagner sa vie au début de sa carrière.










- une salle consacrée à des images "érotiques", dont le très frappant Girlie Show, avec sa strip-teaseuse sur fond noir portant un visage comme un masque. 


- une salle consacrées à ses aquarelles. Nous avons beaucoup aimé ses marines (avec chalutiers rouillés) et un curieux petit tableau représentant des automobiles en haut des rochers. (impossible d'en trouver une image sur le net...)








- une salle présentant quelques tableaux fameux (Blackwell's Island, Morning Sun) accompagnés des dessins préparatoires : études de composition, choix des couleurs etc.















- et un bien sûr quelques compositions magnifiques (The Sheridan Theater, Pennsylvania Coal Town, Second Story Sunlighyt, a woman in the sun....)

Nous avons aimé les paysages new-yorkais simplifiés jusqu'à en extraire l'essence, cette mélancolie qui est aussi la possibilité d'un retour sur soi, loin des douleurs de la vie. La peinture de Hopper est baignée par la lumière d'un été éternel, qui caresse les murs des maisons, donne sa chaleur aux hommes et les aide à relever la tête.


09 juillet 2010

The Lies of Locke Lamora - Scott Lynch

Parlons un peu de mes lectures de plage.

Surmontant mes préjugés envers la fantasy de supermarché (culturel), je suis parti en vacances avec deux livres que leur réputation avait amené dans ma pile à lire. Le premier d'entre eux, The Lies of Locke Lamora, fera l'objet de cette note. Tout comme les corbeaux de-chez-Smith-d'en-face, j'avais été séduit par le thème, la jolie couverture de Benjamin Carré (l'édition américaine dont je dispose est par contre proprement hideuse) et la description enthousiaste qu'en faisait l'éditeur. Je ne le cache pas, j'aime bien les histoires de voleurs. En fait, non : j'aime Lankhmar et les aventures de Fafhrd et du Souricier Gris.
Dans The Lies..., on suit les aventures d'une bande d'audacieux gaillards, les Gentlemen Bastards, menés par Locke Lamora, petit type aux talents de déguisement proprement déments, Jean Tannen, costaud amateur de hachettes et de littérature, les frères Sanza, tricheurs aux cartes et Bug, apprenti de la bande. Ces joyeux lurons amateurs de bonne chère déambulent dans la cité-Etat de Camorr, qui doit ses canaux à Venise, son nom et ses moeurs à Naples (j'imagine que l'assonance Camorr / Camorra n'est pas fortuite).
Le début du livre est très prometteur : par le jeu d'une narration très amusante, on apprend la petite enfance du jeune Locke, ses très grosses bêtises, son incroyable astuce, dans un échange de discussions plein d'humour avec Father Chains, le maître et initiateur de notre héros. J'ai beaucoup apprécié. Et j'ai lu le livre avec un grand plaisir jusqu'à la page 100 environ (comme tout bon pavé, il fait un peu plus de 600 pages). Les cinq cents pages suivantes m'ont fait : bailler d'ennui, trépigner d'agacement, crier contre des héros et des méchants aussi bêtes, et, au final, réfléchir sur ce sujet : pourquoi les joueurs et maîtres de jeu de jeu de rôle ne devraient pas (jamais) écrire de roman. (attention, petits spoilers)

  • Ils n'ont jamais peur du cliché : pourquoi un bon scénario de jeu de rôle fait-il en général un piètre roman ? Parce que dans un scénario, les joueurs pardonneront tous les clichés, toutes les situations vues mille fois, parce que ce sont eux les héros, parce ce que c'est leur aventure. Dans The Lies... on a : une histoire de vengeance-parce-que-tou-as-toué-mon-père-tou-va-mourire (avec la voix d'Inigo Montoya), un Mystérieux Chef des Services Secrets du Vatican, un Vieux Maître Bourru Mais Plein de Sagesse, un Grand Méchant Méchant (la tenue, et la manière de parler, et tout), une bombe qui menace le président des Etats-Unis (si, si, là je me suis tapé la tête sur le mur pour y croire, les lecteurs comprendront). Les personnages secondaires sont quasiment tous ratés, ils sont là pour remplir des rôles mais ils n'ont aucune épaisseur humaine. Pas trop grave, ce sont des PNJs.
  • Ils ont le syndrome du gros bill : je ne pense pas tellement à Locke et ses copains, qui sont très forts mais bon, on ne va pas leur reprocher, mais plutôt au Mago 27, vous savez, celui de Mongol et Gotha (pas trouvé de référence sur le web pour ce merveilleux strip...). Et bien oui, il est là, il vole, il lit dans les pensées, il fait se tordre les gens dans d'atroces souffrances et il a un look issu d'un comic book de super-héros). Il ne fait pas peur, non plus. J'ajoute à ça l'effet Dragon Ball de l'histoire : le super-chef-de-la-pègre est bluffé par les super-super-voleurs-de-la-mort, qui affrontent les super-super-super-services-secrets qu'ils sont tous trop forts, tous coiffés au poteau par le super-super-super (etc) méchant et le mago 27.
  • Ils adorent rédiger des suppléments de background : Camorr est un décor assez réussi : l'Elderglass, les ponts, la profusion des populations, les docks, les cinq grandes tours, le Echo Hole, la Floating Grave où siège le roi des voleurs... J'ai malheureusement eu très souvent l'impression de lire : Camorr, the campaign setting. Les fréquentes interruptions de récit pour me présenter le pourquoi de ceci ou cela, la vérité sur tel ou tel décor... sont contraires à tout sens du bon goût. Ca intéressera, voire ça passionnera le MJ mais ça n'intéresse pas le lecteur qui aimerait lire un roman. Par ailleurs, Lynch a une conception toute rôliste de la religion. Donc son polythéisme ressemble à l'habituel ramassis de cliché de tout monde de JdR et n'offre aucun intérêt et n'a aucune crédibilité.
  • Ils ont l'esprit de système : et ça, c'est affreux. Dans ce roman, tout effet a une cause, tout ressort psychologique s'explique, toute scène a un précédent. Si Locke se comporte comme il le fait, c'est parce que, et parce que... et si Jean est bon à la bagarre, c'est parce que et parce que. Et si Father Chains (bon perso, bien gâché) enseigne comme il le fait, c'est parce que et parce que.

Je ne met pas dans cette liste les incohérences débiles du récit : Locke est un super concepteur de plans géniaux et le méchant passe son temps à le surprendre, il n'est pas capable d'essayer de devenir ce qu'il va faire (moi, je l'avais fait). Barsavi est un super parrain de la pègre très balaise et il n'est pas capable de comprendre comment on massacre ses hommes (il ne pense pas loin, le pauvre type). The Spider est un super chef des services secrets, qui n'a pas un seul garde du corps pour veiller sur lui. (méga spoiler ici : les Bondsmages sont tellement balaises qu'ils n'ont jamais envisagé que quelqu'un puisse vouloir estropier l'un des leurs). Je ne parle même pas des Gentlemen Bastards capables d'accumuler une somme folle en or pendant des années sans avoir aucune idée de ce qu'ils peuvent en faire.  Et des magiciens capables d'abattre des empires mais qui demandent de l'or pour leurs faux-frais. Aberrant.

Et tout ça est bien dommage parce que le récit comprend quelques (très) bons moments : l'arnaque au Floating Market pendant que des prisonniers se font déchiqueter par des requins, l'assaut des Midnighters sur la maison du Don (j'ai bien aimé l'effet "envers du décor") et la longue scène où Locke, désespéré, doit se procurer des vêtements. J'aurais bien aimé aimer ce livre, mais il a bien trop de défauts pour moi.

Si vous avez aimé ce bouquin, n'hésitez pas à me dire que je ne sais pas lire, c'est sans doute le cas. Et je suis bien conscient que les remarques ci-dessus ne sont pas valables si on se dit qu'un livre comme The Lies... vise surtout à distraire, à s'amuser, à "ne pas se prendre la tête". Mais si c'est là son seul but, il ne m'intéresse pas.

PS : je n'avais pas vu le commentaire de Munin en rédigeant ce post. Il remplacerait avantageusement mon billet. (le tout dernier du billet, à l'heure où j'écris)

31 mai 2010

Let the right one in


Un grand merci à Hugin & Munin de chez Smith d'en face pour ce conseil.
Je ne dirai pas grand chose, leur billet est très bien. Je suis d'accord avec eux, c'est sans doute un des meilleurs films de vampire qui soient, qui arrive à retrouver ce qu'il y a de plus fort dans ce sujet.






Certes, il y a une banlieue un peu moche, des gros Suédois qui boivent de la bière et des histoires familiales pas marrantes, mais il y a aussi le beau rêve d'un gosse qui se fait une amie extraordinaire.
L'histoire est très délicate, pleine de non-dits et de belles situations. Et une forme de grâce, si, si.