29 juin 2012

Treize mauvais quarts d'heure - Albert Sanchez Pinol

Du même auteur, j'avais lu la peau froide, que j'avais trouvé pas mal. J'en retirais l'impression que l'auteur avait un vrai sens de l'écriture et du rythme et un problème avec le fantastique qui, chez lui, ne pouvait servir que métaphore, sans avoir d'existence en lui-même. (Chez Lovecraft - mon héros - le fantastique/SF est aussi une métaphore. Mais pas que.)
Ces treize mauvais quarts d'heure (excellent titre, d'ailleurs) sont treize récits courts, un peu cruels. Hommes de la lune tombés dans les champs d'oliviers et forcés d'y travailler avec les paysans, zèbre poursuivi se souvenant des leçons de sa maman, armoire avalant ceux qui s'y cachent, riche romain s'inventant des ancêtres illustres, nef des fous, congrès socialiste en contact avec les martiens...
L'écriture est toujours concise, plaisante. Au mieux, on lorgne vers Marcel Aymé ou Dino Buzzati. Au pire, certains textes ne sont que des pochades, pas vraiment drôles. Le tout premier, très séduisant au premier abord (l'histoire des hommes de la Lune) m'a gonflé quand j'ai vu la métaphore transparente qu'induisant l'élément fantastique.
Bref, un recueil léger, un peu méchant, un peu sage. Il sent une bonne odeur de vieux papier, on dirait qu'il date des années 50, mais le copyright indique 2010.

28 juin 2012

Sainte dans l'incendie - à Vidy


Monologue poétique, coque-à-l'ânisant, flux verbal plein de créations et de surprises tendant de dire quelque chose de la bergère/cavalière/sacreuse de roi de Domrémy, Jeanne la bonne Lorraine. Le tout dit par une actrice impressionnante, à la voix très étrange et à la robe vraiment moche. Un très beau travail, tout en maîtrise, même si nous n'avons pas totalement adhéré, notre réserve ayant sans doute à voir avec quelque chose de la vérité de Jeanne.

27 juin 2012

Vii le roi terre - à Vidy


Suite de mes chroniques "pour mémoire"

Deux voyageurs arrivent dans une campagne étrange en Ukraine. Rituels, chants, danses, sorcières, ils vivent une expérience bizarre et le spectateur aussi. Le décor est superbe, la musique puissante, certaines scènes vraiment très fortes, créent une expérience immersive comme en proposent souvent les spectacles montés à Vidy, qu'ils soient réussis (Orphée) ou ratés (Le soldat). Dommage que les personnages soient aussi faiblement écrits, les dialogues en ukrainiens non sous-titré aussi longs et aussi pénibles. Vos serviteurs se sont tellement ennuyés qu'ils sont plutôt allés boire un verre au bord du lac que de voir le deuxième acte.
C'est ça le risque, avec un théâtre si joliment installé...


26 juin 2012

Séance - à Vidy


Un petit programme de rattrapage pour chroniquer nos dernières sorties à Vidy (même si celles-ci commencent à dater)


Séance est une pièce de Michel Viala, auteur G'nevois.
Schmitt est venu à la réunion de sa société de contemporains (sociétés de gens nés la même année, ayant partagé la même scolarité obligatoire dans les mêmes écoles, une institution typiquement suisse), dans l'arrière salle du café, comme chaque année. Mais cette année, il est tout seul, car les autres sont tous morts...
Humour grinçant, plutôt tendre, très helvétique (dur à comprendre à mon avis pour qui ne vit pas en Suisse depuis un moment), un bel acteur et des situations amusantes. Du théâtre sans grandes ambitions, mais touchant et réussi. Et Maurice Aufair est un très bel acteur, qui a dans cette pièce l'âge du rôle...

25 juin 2012

La corde, Alfred Hitchcock

Le pendu et Cecci ont (re)vu la corde, de ce bon vieux Hitch.


Deux jeunes yuppies étranglent un de leurs copains et le planquent dans le coffre avant de recevoir leurs autres amis pour une soirée, exposant pour amuser la galerie quelques théories philosophiques bancales sur la légitimité du meurtre, à condition qu'il soit commis par des êtres supérieurs.
Acteurs impeccable, réalisation relevant de la frime totale (des plans géniaux, avec un nombre très réduit de raccords), dialogues exceptionnels... Oui, c'est un peu du théâtre filmé. Mais c'est totalement brillant et stressant. Un grand moment.



Et en plus, c'est avec James Stewart (un des acteurs les plus classe du monde)

22 juin 2012

Printemps tardif - Ozu

Le pendu et Cecci, continuant leur cycle de cinéma japonais, ont regardé Printemps tardif, de Yasujiro Ozu.


Dans ce film, la fille d'un universitaire, plutôt gaie et dégourdie, préfère rester à s'occuper de son père que se marier. Elle se fait draguer par l'assistant du professeur, soutenir par ses copines et pousser par la famille à convoler.


Action lente, détails de la vie quotidienne, attention aux expressions délicates de la très belle Setsuko Hara. Contemplation sereine, élégance formelle, nous avons vu tout cela mais il faut admettre qu'on s'est ennuyés. Peut-être ne sommes nous pas Japonais ?

21 juin 2012

De sang froid - Truman Capote

Kansas, novembre 1959. Dans une petite ville tranquille de la Bible Belt, Herb Clutter, un fermier entreprenant, aimé de tous, est massacré avec son épouse, sa femme, sa fille, son fils, dans sa propre maison, par des inconnus. La population est bouleversée, la police met tous les moyens pour retrouver le ou les tueurs, d'autant que le mobile est incompréhensible (rien, ou presque, n'a été volé) et que les meurtres ont été commis de sang froid, les victimes étaient attachées quand on les a exécutées.
A partir de ce fait-divers réel et atroce, Truman Capote entreprend un étrange roman. Il met en scène la vie de la famille Clutter durant ses derniers jours, il décrit Garden City et sa population, il raconte la trajectoire des tueurs (qui seront arrêtés quelques mois après). J'avais au début l'impression de lire un de ces bouquins qui fleurissent maintenant pour chaque fait-divers détonnant, une plongée voyeuriste dans le monstrueux, dans l'atroce. Attention aux petits détails, enquête-vérité, émotion facile.

Puis je me suis posé une question. Truman Capote était journaliste, mais aussi écrivain (et pas des plus mauvais...). Donc menteur, manipulateur, metteur en scène. Un premier mensonge, énorme : dans tout ce récit, si fascinant soit-il, quelqu'un manque. On a gommé un personnage de premier plan : l'auteur lui-même, avec ses questions, son décalage de New-Yorkais plongé dans le Kansas rural, avec sa manière de parler différente, sa compréhension forcément imparfaite... Quel crédit alors accorder à ce récit, qui est devenu pourtant ce que les gens retiendront de l'affaire Clutter ?
De sang froid est un roman, pas un reportage. Une oeuvre construite, fabriquée, écrite, cherchant la vérité, notamment la vérité des hommes. Un récit très fort, de bons personnages, fascinants, des situations étranges, des coïncidences bizarres. Un aperçu de la vie américaine en 1960 de l'âge d'or et de son envers, les paumés sur les routes, les motels miteux de Vegas, les virées au Mexique, les déviances sexuelles... Le tout très bien écrit. Pas un reportage, un très bon roman.


16 juin 2012

Le narcisse noir

Sur l'impulsion de M. Alex A. et du Dr. Orlof, grâces leurs soient rendues, le pendu et Cecci ont regardé un film de Michael Powell, datant de 1947, intitulé le Narcisse noir.


Indes britanniques, du temps des colonies. Un groupe de nonnes s'établit dans un ancien palais, dans une haute vallée, pour y apporter les bienfaits de la civilisation aux sauvages : médecine, foi, instruction. Les choses vont tourner bizarrement : le général indigène, son fils fat et couvert de pierres précieuses, le résident britannique local blasé, la vieille folle, les femmes et les enfants du crus, tous ont leur propre idée sur la manière de tirer profit de la présence des soeurs. La petite communauté, dirigée par une soeur inexpérimentée et nantie d'une malade au regard étrange va souffrir de nombreuses crises...



C'est du hollywoodien de l'âge d'or solide et classique (et en fait réalisé en Angleterre - on prendra donc le terme hollywoodien comme une appréciation stylistique). Beau technicolor, belle réalisation en studio, acteurs doués, très belles femmes (malgré les cornettes), scénario bien écrit, sans happy end obligatoire. En fait, c'est bien.







15 juin 2012

Le trésor de la Sierra Madre - les Artpenteurs

Les Artpenteurs pratiquent un théâtre populaire, inventif, exigeant, drôle, surprenant. Leur dernier pari était un peu dingue : faire entrer sous leur chapiteau intimiste le roman de B Traven, adapté au cinéma par John Huston. Du western, des chercheurs d'or, des attaques de bandits la nuit, une bagarre de saloon, la fièvre et la folie de l'or, sous le regard distant des Indiens.
Tout ça tient, sans dérision, avec l'humour et la tragédie, grâce à une rafale d'idées de mise en scène, de narration, de clefs d'imagination déclenchées par de tous petits objets, des sons, un pas de danse, une chanson.
On en ressort plein d'étoiles. Allez-y ! Ils jouent encore demain et après demain, gratuitement, à Lausanne. Le programme et tout le reste, ici : http://www.lesartpenteurs.ch/site/




13 juin 2012

Le Mahabharata de Peter Brook

Le pendu et Cecci ont vu le Mahabharata, film de 3 heures adapté de la série télé de 6 heures adaptée de la pièce de théâtre de 9 heures adaptée des 250 000 vers de cette classique épopée indienne.



Dans ce spectacle étrange, on trouvera peu de décors, de nombreux (et très bons acteurs, globalement pas du tout indiens), des personnages aux noms pires que dans une saga de fantasy en 28 tomes (on me souffle qu'ils seraient indiens. Admettons) et des histoires et des situations excellentes. La mise en scène, théâtrale, a de très bons moments, notamment les rites magiques, la scène du jeu, la mort de Bishma sur son lit de flèches... C'est très intense, très épique, les femmes sont très belles et le passage d'entretien entre Krishna et Arjuna est un moment de suspension extraordinaire (là aussi, on me dit qu'un petit traité spirituel de bonne tenue en aurait été tiré). Accessoirement, la musique est très bien.


Bref, un excellent film, dans un registre très singulier.

12 juin 2012

Drive - Nicolas Winding Refn

Le pendu et Cecci avaient vu Valhalla Rising, le film bizarro-hype de ces dix dernières années (ou bien des suivantes?), aux dialogues presque vides et aux images plananes. Ils s'étaient dits qu'il fallait boire avant, et pas qu'un peu, pour en profiter pleinement.



Du même réalisateur, voici Drive.
Le héros parle à peine plus que celui de VR. Il est blond, beau, creux. Il conduit, très bien.
La scène d'exposition est totalement bluffante : L.A, la nuit, un casse, une poursuite tranquille en voiture. Ensuite, l'histoire est plutôt mal menée, un peu sentimentale, un peu noire. La réalisation, quant à elle, est brillante, plastique, visuelle, hyper esthétisante. Le héros sans nom, pure façade, devient une étrange créature du cinéma. Mais Cecci a dit qu'elle n'en avait pas grand-chose à faire des histoires de voitures.
Le Dr Orlof parle de ce film bien mieux que moi.