22 février 2016

Cthulhu Invictus - 2

Je continue dans mon exploration des scénarios du recueil pour Cthulhu Invictus : De horrore cosmico, série d'enquêtes surnaturelles dans la Rome de Domitien.

Le livre Cthulhu Invictus, acheté en PDF en même temps que le recueil, est une assez bonne synthèse sur le sujet de créer des personnages et les faire jouer dans l'empire romain, même pour quelqu'un qui, comme moi, joue avec ses propres règles et se moque bien du bestiaire. Avec l'aide d'un peu de wikipedia (très riche sur l'histoire antique), même un MJ pas très au fait du sujet comme moi peut faire jouer à l'époque et s'amuser. Par contre, les scénarios présents dans le livre de base et dans le compagnon sont tout à fait dispensables, très cult of the week.

Revenons-donc à De horrore...
Après the Vetting of Marius Asina, de bonne mémoire, nous avons enchaîné sur Doom. Si vous avez l'intention de le jouer, veuillez fermer les yeux durant la lecture du reste de ce billet ! (l'Ordinateur, votre ami, saura s'en souvenir)

Doom a un joli principe de base : mémoires peu fiables, anciens militaires, rêve de destruction, souvenirs de massacres... Mais l'implication des joueurs, le déroulé de l'aventure et surtout le Grand Ancien du jour sont un peu faibles. Je n'aime pas trop les gros lézards, sauf dans Jurrasic Park.

Un peu de bricolage narratif
voici la manière par laquelle Doom a été lié au scénario précédent : Gnaeus Tremulus rêve et est hanté. Cassia, son épouse, finit par consulter des devins officiels au forum. Les problèmes de son mari arrivent aux oreilles de Thallia Prima, fille de Lucius Thallus et vestale. Cette dernière se souvient de l’intelligence avec laquelle Flavia Agrippa s’est occupée de l’affaire Asina. Un conseil divin arrive alors, qui pousse Cassia à quémander l’aide de Flavia...
Par ailleurs, Tremulus est un ancien camarade de légion de Titus Armilius, le nouveau mari de Flavia (elle s’est remariée entre les deux scénarios. Pression sociale, quand tu nous tiens…)

Pour le reste, l'action finale a été transposée d'Egypte en Lybie, avec un gros méchant rendu un peu plus abstrait. Le gros pavé qui suit décrira quelques idées/délires de background., en se souvenant que j'essaie toujours de considérer les éléments fantastiques comme une option, une interprétation. 

Elements de contexte
La cause profonde des tremblements de terre et autres éruptions volcaniques est liée aux mouvements tectoniques de la surface terrestre et aux forces immenses qui se jouent dans le noyau terrestre, nous croyons le savoir. Mais si ces forces avaient un nom ? Une conscience ? (ou si "quelque chose" vivait "dans" ces forces ?)
Les Egyptiens adorent le dieu souterrain sous le nom de B’KH’R’T (Bekhret). Il s’agit dans leur représentation d’un serpent qui se mord la queue aux innombrables anneaux, qui ne cesse de rouler lentement sous la terre, sauf quand on l’irrite et que ses anneaux se tordent, et qu’alors la terre tremble… Son symbole est parfois une spirale (comme l'emblème d'Asina, tiens, tiens).



Une champignon poussant uniquement dans certains cavernes (« aureus silphium ») permet, quand absorbé, d’entrer en contact par le rêve avec B’K’R’T, de comprendre les forces qui le traversent, voire, quand on est doué, en traçant des triangles (longs parfois de plusieurs milliers de kilomètres) à la surface de la terre, d’envoyer les forces tectoniques d’un point à un autre et de provoquer des tremblements de terre.

On trouvait l’aureus silphium à Ib, ancienne « ville » située aux limites du Sahara, dans les profondeurs de la Cyrénaïque. Là, un groupe d’initiés shootés au rêve,  aux visages très blancs (à force de dormir sous terre dans les cavernes emplies de champignons) rêvaient en contact avec les forces souterraines. Ils ont donné naissance à la légende des Lothophages mentionnés dans l’Odyssée. Ils sont aussi l'écho des hommes d'Ib mentionnés par le scénario.
Durant les guerres puniques, Carthage instrumente Ib (ou Ibbas) pour envoyer des rêves néfastes aux Romains et des tremblements de terre vers chez eux. Ca marche plus ou moins, les Romains gagnent la guerre comme on le sait mais certains d’entre eux on entendu parler d’Ib et n’oublieront pas.
Durant les guerres judéennes en 70, quelques Juifs installés en Cyrénaïque (ou d'autres ?) font de nouveau appel aux pouvoirs d’envoi de cauchemars et de tremblements de terre des quelques initiés vivant encore à Ib. Un chef romain comprend d’où viennent les coups et envoie un détachement mené par Tremulus régler définitivement le problème. Après un voyage cauchemardesque, Tremulus massacre les derniers Ibiens (et perd presque tous ses hommes), puis il oublie tout ça. Une convulsion de B’K’R’T entraine la quasi disparition d’Ib.
Tremulus rentre à Rome, où il finit par devenir un des principaux responsables des constructions impériales dans la ville (une sorte de chef de projet des travaux envisagés par le prince…).

Un des Lothophages, « Taran Ish » initié pâle aux yeux écarquillés a toutefois survécu. Il lui faut des années pour se remettre et trouver des alliés pour remonter son ancien culte. Il s’entend avec Aulus Labienus, gouverneur de Cyrénaïque, dignitaire romain infusé de cultes orientaux, ancien Légat de légion et lointainement apparenté à Marc-Antoine. Ce dernier accepte la proposition de redresser Ib (où l’on va construire sur ses indications un sanctuaire à l’Artemis d’Ephèse - déesse souterraine et forme de Terra Mater). Labienus se rêve en sauveur de l’Empire. Taran Ish, lui, veut se venger de Tremulus et de Rome. Il enchante la demeure de Tremulus (déposant chez lui une idole en forme de spirale, couverte de silphium doré) et vole ses dieux domestiques. Son but est de créer un point d’ancrage, un "triangolos" magique reliant l’Etna (où l’on adore B’K’R’T sous le nom de Vulcanus Aetnus), Ib, et Rome...

Si les plans d’un Lothophage seul et shooté en permanence, d’un gouverneur trop ambitieux pour son bien, ont la moindre chance d’aboutir vraiment ou s’ils sont juste des rêves de travers d’une bande de bras cassés, c’est à vous de voir. Le fait est que Tremulus est hanté par des rêves terrifiants, que la terre tremble à Rome et que quelques bâtiments - construits par lui — s’effondrent.

J’ai déjà été long avec ces explications alambiquées, mais je voulais par rapport au scénario d'origine compliquer les explications, noyer les causes dans des réseaux plus profonds, que les PJs se perdent dans des considérations sur l’histoire ancienne et sur ce qu’on en raconte.

Nous avons joué tout cela dans une ambiance à la Tim Powers, Tremulus rêve, prévoit en rêve que des bâtiments s’effondrent… Les enquêtes des PJs les mènent à Pline le jeune (qui saura, en consultant les notes de son oncle, saura identifier le silphium doré), puis aux voyages de Scylax (où ils entendront parler d’Ib et des Lothophages) enfin jusqu’à l’initié égyptien Nephotès qui initiera en partie Germanicus aux secrets de Bekhret...
Les PJs ont l’impression d’être seuls à avoir compris un monstrueux secret, sans vraiment être sûr de ce qu’ils ont compris. Il faudra une intervention des vestales pour les envoyer enfin vers la Cyrénaïque (mais ceci fera l’objet d’un autre billet)...






19 février 2016

Zippo - au petit théâtre

Ca commence par la scène du balcon de Roméo et Juliette....



Acte II / Scène II / Le jardin des Capulet.
Entre ROMÉO.
ROMÉO - Il se moque bien des balafres
Celui qui n'a jamais reçu de blessures.
Juliette paraît à une fenêtre.
Mais, doucement ! Quelle lumière brille à cette fenêtre ?
C'est là l'Orient, et Juliette en est le soleil.
Lève‑toi, clair soleil, et tue la lune jalouse
Qui est déjà malade et pâle, du chagrin
De te voir tellement plus belle, toi sa servante.
(...)
JULIETTE - Ô Roméo, Roméo ! Pourquoi es‑tu Roméo !
Renie ton père et refuse ton nom,
Ou, si tu ne veux pas, fais‑moi simplement vœu d'amour
Et je cesserai d'être une Capulet.

Et dans le public, un type se met à faire des blagues, genre "poil au...", pendant que les acteurs tentent de dire Shakespeare. Les enfants dans le public sont troublés (et leurs parents aussi). Les acteurs se vexent, Zippo monte sur scène pour s'excuser, du genre "oh la la, si on ne peut plus rigoler..."
Et il se retrouve coincé. Le génie du théâtre lui apprend qu'il ne pourra repartir qu'une fois que la pièce aura repris, avec lui dans le rôle du personnage interrompu. Roméo ? Non. Juliette.


S'en suit une longue et douloureuse séance d'apprentissages, où le clown Zippo tente désespérément d'apprendre les rudiments du théâtre, tout en pestant, grognant, se moquant et tombant amoureux.
Pièce maligne de méta-théâtre, Zippo tente de faire passer aux enfants quelques idées sur ce que c'est que le théâtre. Et lorsque, enfin, la scène sera jouée, avec tous les mots de Shakespeare, l'attention sera grande !
L'écriture du spectacle est très astucieuse, parfois un peu didactique mais le plus souvent très drôle, et les trois acteurs sur scène sont tous très bons. Rosa a bien aimé, Marguerite a tout compris, même si elle avait peur à cause de cette situation difficile, presque impossible : comment un clown plus très jeune peut-il comprendre quelque chose aux émois d'une très jeune femme ? Mais elle a bien retenu qu'au théâtre, il faut tout apprendre par cœur, puis tout oublier.

14 février 2016

Cthulhu Invictus - 1

Après quelques tentatives dans d'autres domaines (du policier à la Ellroy à Los Angeles en 1945), nous avons repris une campagne de jeu de rôle lovecraftienne, suite à ma lecture, recommandée par Tristan Lhomme, du bon recueil de scénarios De horrore cosmico. Nous voici donc maintenant dans l’empire romain, vers l’an 90, sous le règle de l’empereur Domitien.

Tout comme je l’ai fait pour les Montagnes Hallucinées ou pour Les Masques de Nyarlathotep, je tenterai dans ce billet de noter quelques idées d’adaptations des scénarios du recueil De horrore cosmico.

Personnages
Nous avons dans cette campagne deux personnages :
Flavia Agrippa, jeune veuve d’une vingtaine d’années (la viduité lui garantissant une certaine liberté) de classe équestre, dotée de beaucoup d’entregent social et toujours à la recherche d’argent et de protecteurs pour garantir le niveau de vie qu’elle apprécie (thermes, beaux vêtements, masseurs égyptiens, bijoux, musiciens, théâtre…)
Aurelianus Germanicus, esclave affranchi, d’origine germaine, mais plus romain qu'un Romain, bien éduqué, attaché au service à la protection de Flavia par leur patron commun, Marcus Aurelianus Niger, un sénateur romain influent.
Ses relations compliquées avec sa patronne (il est bien plus conservateur et prude qu’elle) donnent une amusante dynamique à nos histoires.

On se reportera au billet de Tristan qui évoque très bien le contenu des différents scénarios du recueil. Voici ce que nous en avons fait. Ce billet s’adresse à partir d’ici aux maîtres du jeu potentiels, futurs joueurs passez votre chemin !

The Vetting of Marius Asina
Ce scénario d’enquête urbaine autour d’une famille mystérieuse est à la fois très simple et très agréable, pour peu qu’on ait envie de mettre en scène une ville, ses clans, ses intrigues. J’ai développé les principales familles, les insupportables fils à papa de la bande de Buteo, les deux milieux grecs et romains, les vigiles appointés pour garder l'ordre dans la ville. Dans notre version, Asina n’est pas un « méchant », juste un homme traînant un secret de famille un peu plus encombrant que la normale, doté d’enfants socialement difficiles. J’ai considéré que le sang d’Opar pouvait provoquer une étrange attirance de la part de certains humains.
Peu de magie dans cette histoire, donc, juste une spirale lovecraftienne classique à mesure qu’on s’approche de la vérité. 

Flavia et Germanicus ont presque tout compris, mais ils n’ont rien fait qui mette réellement Asina en danger, et ce dernier a réagi sagement à leurs découvertes. Il y a eu une forte tension, des scènes de mystères mais pas de meurtres gratuits. Lucius Thallus a toutefois noté le talent de la jeune femme pour faire face à des phénomènes « bizarres », ce qui a aidé à enchaîner avec le scénario suivant.

Massilia, par Jean-Claude Golvin
(je vous invite à consulter son site plein de magnifiques vues de villes antiques)


(à suivre)

09 février 2016

Staline T1, la cour du Tsar rouge - Simon Sebag Montefiore

Alors ce serait une sorte de roman de Dark fantasy : une bande d'anciens combattants, cavaliers, pillards en tunique et bottes, doté d'une foi brûlante dans une nouvelle religion qu'ils se sont appropriés (elle porte le nom de marxisme-léninisme) se retrouve à la tête de l'Empire, dans les palais et salons des anciens maîtres.

Au début, ils vivent sobrement, entre eux, de manière familiale. Le soir, ils se retrouvent pour aller au théâtre, boire et chanter. Autodidactes, souvent brillants, ils aiment la culture et n'ont rien des nouveaux riches. Mais le jour, ils travaillent dans les campagnes, menant trains blindés et cavaliers au cœur des provinces pour tuer quelques milliers de koulaks qui résistent à la nouvelle foi.

Ce livre est le portrait au jour le jour de leur maître, celui qu'on surnomme "l'homme d'acier" et de ses amis proches. Lui : un comploteur né, venu d'un peuple de montagnards claniques, amateur de littérature, d'amitiés viriles, entouré d'anciens camarades de guerre, fidèles ou excentriques, bourreaux de travail (on ne leur retirera pas ça), francs ou taiseux, et de leurs épouses, ces dernières plus ou moins communistes, plus ou moins impliquées dans la politique, plus ou moins folles.

Simon Sebag Montefiore ne fait pas un livre d'histoire fourmillant d'analyses, plutôt une série de portraits en action visant à connaître un peu son héros et sa "clique". Ca commence par une belle scène de générique, le suicide de Nadia, seconde épouse, avec qui l'homme d'acier avait une relation tumultueuse, violente mais passionnée. On va ensuite faire un long flash-back dans le passé dans ce révolutionnaire professionnel, souvent exilé, toujours revenu, et de son ascension auprès d'Oulianov, le chef d'orchestre de la Révolution. On verra les enfants, les vacances heureuses, le chef débonnaire qui répond parfois personnellement à ses administrés. Puis ce sera la guerre contre les paysans, et une fois celle-ci terminée (et Nadia décédée), la grande terreur. Avec la perte de son épouse, le maître du Kremlin aurait perdu aussi le peu de sensibilité qui lui restait. On les verra, lui et les siens, faire des listes de milliers de noms de pauvres fusillés, monter des procès, orchestrer coups tordus sur coups tordus. Chaque cauchemar engendre un cauchemar plus grand encore, tout gravite autour de lui, les vieux amis perdent la confiance, les anciens copains d'Oulianov sont éliminés les uns après les autres, des grouillots serviles et (très) dangereux gagnent en puissance. Ejov, le nain alcoolique, tortionnaire et éliminateur, Khrouchtchev, le joyeux compagnon, puis enfin le roi des coups en biais et des tortures, Beria. Le talent de l'auteur (et l'intérêt de ce livre cauchemardesque) est de montrer que ces types ne sont pas des aberrations ni des monstres. Ils ont des familles, des passions, des convictions, et sont entraînés dans des circonstances exceptionnelles qui leur feront franchir (mais pas dans le bon sens) les limites de ce qu'on appelle l'humanité.

Au centre de l'Europe, un ennemi apparaît, un petit homme hystérique avec lequel on croit pouvoir s'entendre. L'homme d'acier, de plus en plus seul, voit des complots partout. Alors que le Reich menace, il fait emprisonner ou éliminer une bonne partie de ses officiers, écoute les dingues qui prétendent qu'il faut revenir aux canons tirés par des chevaux et se débarrasser de ces chars inutiles...

Les troupes s'amassent à la frontière. Seul au sommet, le maître plonge dans une étrange cyclothymie, se fait écraser par le stress, ordonne qu'on fusille les porteurs de mauvaises nouvelles. L'orage gronde, de plus en plus fort, l'armée n'est pas prête... Et le 22 juin 1941, l'ennemi passe la frontière, déclenchant le plus grand conflit armé de tous les temps.
Suite dans le tome 2.



03 février 2016

Fantômette ! - Georges Chaulet

Il fut un temps où, dans une petite ville des environs de Paris (masquée sous le nom de Framboisy) a sévi une super-héroïne bien française. Fantômette !
Elle portait un justaucorps de soie jaune, des collants noir, des ballerines, une cape noire et rouge fermée par une proche en forme de F. Son visage était dissimulé par un loup noir, ses cheveux par un bonnet à pompon.




Très jeune, sportive, brillante (de nos jours on la qualifierait d'enfant à haut potentiel), Fantômette s'ennuyait à l'école le jour - même si les romans n'en disent rien, il ne fallait pas critiquer l'école de la République - et pourchassait les bandits la nuit. Les causes pour lesquelles elle s'est engagée laissent penser qu'elle choisissait ses cibles, plus pour l'amusement qu'elles lui apportaient que par véritable utilité policière.
Au delà de son talent pour les arts martiaux et pour les déductions, notre jeune détective a toujours fait preuve d'un moral solide, d'une assurance proche de l'arrogance et d'un humour caustique à toute épreuve.
Georges Chaulet a rapporté ses aventures, plongées dans les années 60 et 70, celles de la naissance de la société de consommation en France, d'une modernité à base de produits agroalimentaires, d'appareils électriques, de télévision, de voyages en avion. Les romans sont plein d'énergie et d'allant (ce qui masque des intrigues bancales), avec des personnages amusants, depuis les deux copines Ficelle et Boulotte (dont la bêtise confine au surréaliste) en passant par tous les habitants de cette époque, policiers bas du front, politiciens arrivistes, directeurs de magasins s'épongeant le front avec leur mouchoir, institutrice sévère à faire rêver un politicien adepte du retour à l'ordre, artistes surimbus de leur personne, et bien sûr toute une collection de bandits, savants fous et autres espions adeptes de plans machiavéliques et compliqués.
Il est évident qu'une écolière n'a pu vivre toutes les aventures qui lui sont attribuées par l'auteur. A partir de quelques faits sans doute avérés, l'auteur a brodé des fantaisies plus ou moins réussies, expédiant son héroïne dans l'espace ou bien dans le passé. Peut-être est-ce lui qui, du temps d'une collaboration sous pseudonyme à France Soir (pardon, France Flash !) apparaît sous le nom d'Oeil de Lynx.
Qu'est devenue Fantômette ? Est-elle partie aux Etats-Unis poursuivre une carrière en costume ? Est-elle devenue actrice, espionne, s'est-elle engagée pour une ONG ? A-t-elle subi un sort fatal au détour d'une dangereuse aventure ? Je me le demande encore.

J'ai lu toutes ses aventures quand j'étais enfant. Je les ai relues à Rosa et Marguerite qui adorent. Les livres ont vieilli, mais plutôt bien. L'humour est un peu méchant, certains mystères gardent leur charme et le style, enlevé, tient bien la route.




Les romans ont été écrits, pour la premiers du moins, au passé simple. Certaines des rééditions faites par Hachette, outre qu'elles ont viré les dessins vieillots mais parfois charmants de Jeanne Hives et Josette Stefani, ont on en plus été réécrites au présent, voire même "adaptées" avec une maladresse confondante...

Voici un bref compte-rendu, en quelques mots, de tous les romans relus avec les enfants ces deux dernières années. Bien sûr, la production de Chaulet était très inégale, mais quelques bonnes histoires se nichent dans cette série d'aventures fofolles.
En gras, donc, mes préférés.

Si certains sont marqués "pas relus", ça veut sans doute dire que nous ne les avons pas/plus. Si vous avez comment vous les procurer, notamment dans les éditions originales (cartonnées dur), prière de me contacter en commentaire, je suis intéressé !

  
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Les Exploits de Fantômette (1961)**L'héroïne apparaît mais n'est pas encore complètement calée. Histoire simple de gendarmes/voleurs.
Fantômette contre le hibou (1962)****Histoire de société secrète masquée. Bon suspense.
Fantômette contre le géant (1963)Pas relu.
Fantômette au carnaval  (1963)****A la poursuite du Furêt au milieu de la ville costumée. Bien rythmé et amusant
Fantômette et l'Île de la sorcière  (1964)***Une histoire de vacances (il y en a plusieurs, dans la série). Ici, à la campagne.
Fantômette contre Fantômette (1964)***Amusant récit policier. Le sujet n'est toutefois pas vraiment traîté.
Pas de vacances pour Fantômette (1965)***Très bonne scène d'ouverture.
Fantômette et la Télévision (1966)*****Tournage, mystère et vieux château. Un des meilleurs livres de la série.
Opération Fantômette (1966)**Vacances à Biarritz. Pas mémorable.
Les Sept Fantômettes (1967)***Chasse au trésor dans toute la ville, à la recherche des sept poupées. Très amusant.
Fantômette et la Dent du Diable (1967)***Les filles sont en colonie de vacances, et le Furêt kidnappe tout le monde. Très amusant aussi.
Fantômette et son prince (1968)****Aventures dans une république bananière imaginaire. Une des histoires les plus émouvantes.
Fantômette et le Brigand (1968)**Fantômette lutte contre un néo-Mandrin. Laborieux.
Fantômette et la Lampe merveilleuse (1969)***Espionnage autour d'une monarchie pétrolière du Golfe. Amusant de voir que Fantômette sert les intérêts de la France gaulliste !
Fantômette chez le roi (1970)***Amusant récit de voyage dans le temps, un peu moliéresque.
Fantômette et le Trésor du pharaon (1970)****Chasse au trésor, encore, entre le Louvre, la Concorde et la forêt de Fontainebleau.
Fantômette et la Maison hantée (1971)**Ne m'a pas marqué.
Fantômette à la Mer de sable (1971)Pas relu
Fantômette contre la Main Jaune (1971)Pas relu
Fantômette viendra ce soir (1972)***Petite histoire policière.
Fantômette dans le piège (1972)***Première Méta aventure de Fantômette, le côté dépressif de l'histoire est intéressant.
Fantômette et le Secret du désert (1973)Pas relu.
Fantômette et le Masque d'argent (1973)**Première apparition de ce grand méchant, pas très réussi.
Fantômette chez les corsaires (octobre 1973) (1973)Pas relu.
Fantômette contre Charlemagne (mars 1974) (1974)***Chasse au trésor, dans le même esprit que le Trésor du Pharaon.
Fantômette et la Grosse Bête (1974)***Une histoire de monstre à la Scoobidoo. Fonctionne plutôt bien.
Fantômette et le Palais sous la mer (1974)***Vacances en Bretagne et facteur Cheval.
Fantômette contre Diabola (1975)***Histoire à la James Bond, avec concours de beauté débile.
Appelez Fantômette ! (1975)Pas relu
Olé, Fantômette ! (1975)Pas relu
Fantômette brise la glace (1976)Pas relu
Les Carnets de Fantômette (1976)Pas relu
C'est quelqu'un, Fantômette ! (1977)Pas relu
Fantômette dans l'espace (1977)Pas relu
Fantômette fait tout sauter (1977)***Le furêt monte un plan astucieux, qui marche presque !
Fantastique Fantômette (1978)*Récit de quasi fantasy, vraiment raté.
Fantômette et les 40 Milliards (1978)Pas relu
L'Almanach de Fantômette (1979)Pas relu
Fantômette en plein mystère (1979)*Histoire de savant fou, assez mal tournée.
Fantômette et le Mystère de la tour (août 1979) (1979)Pas relu
Fantômette et le Dragon d'or (juin 1980) (1980)***Course poursuite autour d'un Mac Guffin, Rock & roll et masque d'argent.
Fantômette contre Satanix (avril 1981) (1981)Pas relu
Fantômette et la Couronne (janvier 1982) (1982)Pas relu
Mission impossible pour Fantômette (octobre 1982) (1982)**
Fantômette en danger (octobre 1983) (1983)Pas relu
Fantômette et le Château mystérieux (1984)Pas relu
Fantômette ouvre l'œil (1984)Pas relu
Fantômette s'envole (1985)Pas relu
C'est toi Fantômette ! (1987)Pas relu
Le Retour de Fantômette (2006)Pas lu
Fantômette a la main verte (2007)Pas lu
Fantômette et le Magicien (2009)Pas lu


01 février 2016

Sous la colline - David Calvo

Colline est née à Marseille. Elle aurait pu être archéologue. Alors qu'elle était de permanence à l'INRAP, elle reçoit un appel selon lequel on aurait trouvé un "placard" inconnu à la Cité Radieuse, le fameux immeuble classé construit par le Corbusier dans les années 50. Prenant l'affaire pour elle (alors qu'elle n'en a pas le droit) et accompagnée du mystérieux Toufik, elle se lance dans une bizarre exploration qui se terminera mal pour elle... Trois ans plus tard, la voilà de retour, qui s'incruste au Corbu pour en comprendre les clefs.

Sous la Colline est presque un roman "normal". Unité de lieu, unité de personnage, unité de mystère, les habitués de David Calvo pourraient être surpris. Je commence par ses défauts : il est un peu trop long, souvent erratique, partant sur des chemins bizarres qui m'ont parfois perdu. Un peu de densification ne lui aurait pas fait de mal (et j'aurais aimé voir des photos, des dessins, des gribouillis grattés sur le béton).

L'esprit et la sève sont ailleurs. Orbitant autour de ce lieu-personnage-objet unique (le bâtiment du Corbu, navire immeuble fiché dans la terre de Magalone), le récit procède de cette technique littéraire qui est au cœur du travail de David Calvo: tisser des liens entre les mondes disjoints, rendre visible l'un en l'alignant sur l'autre. L'architecture, la politique locale, les récits de la fondation de Marseille, les mythes grecs, les Castors Juniors, la musique pop des années 80, la religion, les films d'action du Spielberg de la grande époque... 
L'écriture est unique, entre dialogues absurdes, raccourcis fulgurants et images qui éclatent comme des évidences (et magnifiques passages "de genre"- j'ai adoré l'évocation de Marie de Sormiou ou de Protis et Gyptis). J'aime ce regard porté sur le monde, et j'aime ce qu'il me révèle. J'aime enfin quand l'auteur dit son amour de Marseille (j'ai été marqué par le chant élégiaque qui concluait la novella la nuit des labyrinthes), loin de tout folklorisme ; puanteurs du port, béton des immeubles, sources magiques sous le bitume. David Calvo explore, il suit des chemins inconnus de tous et je suis heureux de pouvoir, à travers ses livres, le suivre un peu.