25 août 2017

Lysistrata, d'Aristophane – par le Clédar


Tous les deux ans, le Clédar, troupe amateur de la vallée de Joux, monte un grand spectacle d'été, usuellement dans un lieu insolite de la vallée horlogère. Cette année, c'est le Grand Hôtel, une bâtisse de luxe 1900 avec une vue splendide sur le lac, maintenant inutilisée, qui accueille les nombreuses représentations du Lysistrata d'Aristophane.
La pièce est une des plus connues du dramaturge antique et l'argument, très amusant, lui a voulu d'être souvent adaptée au XXème siècle: menées par Lysistrata, une rusée grande gueule, les femmes de Grèce décident de faire la grève du sexe pour forcer leurs maris à faire la paix ! (pour un résumé détaillé de l'intrigue, voir par exemple cet article du Temps, bien détaillé).



La troupe du Clédar a fait un travail extraordinaire, proposant une de nos meilleures soirées théâtrales depuis longtemps. Les acteurs sont en place, le texte bourré d'allusions, de blagues et de jeux de mots salaces, les situations montent en puissance, les virilités se tendent, les révolutionnaires bouillonnent, tout le monde frémit et trépigne pour débloquer une situation absurde: la paix comme prix de l'amour.






Lysistrata est une pièce politique, subversive, où les puissants en prennent plein la figure, et les hommes, et les soldats, et les politiciens, et les vieillards. On y parle de c* en permanence et le désir y tend vers l'utopie. Ce n'est pas convenable et c'est follement drôle: d'autant que la mise en scène, bourrée d'idées, ose tout, à le mesure du texte. Ce qui est dit crûment est montré crûment, sans aucun malaise, sans aucune vulgarité, grâce à un magnifique travail sur les costumes, les postures, les attitudes (mais nous ne recommandons pas la pièce pour les moins de seize ans !). J'ai déjà dit dans ces pages que voir un homme nu sur scène est pour moi le point Godwin du théâtre, le point au bout duquel une mise en scène est irrécupérable, et si l'homme est un vieillard, c'est encore pire. Et là, à sa façon, cette pièce prouve que j'avais tort. Ce qu'on voit est très obscène, très transgressif mais surtout libérateur. Le Clédar étant une troupe locale, j'imagine qu'en tant qu'acteur, se montrer dans ces situations à des spectateurs qui nous connaissent peut-être par ailleurs est un geste tout autant courageux que jouissif.



Encore un mot sur la mise en scène: elle est signée Thierry Crozat, des Artpeuteurs, avec une participation musicale (pour le travail sur les chansons) de Chantal Bianchi, des mêmes. Cette pièce et ce travail sont tout à fait dans l'axe du travail de leur compagnie: un théâtre populaire, inventif, de très grande qualité (avec du jeu corporel, des artefacts, de chansons, dans la lignée des meilleures pièces des Artpenteurs). Si on compare à une autre pièce vue l'an dernier, mettant aussi en scène des amateurs, vue dans le cadre d'un théâtre bien plus officiel (et riche !), la comparaison fait mal à la culture officielle.



Et je n'ai encore rien dit du travail de la langue (la façon de parler des Spartiates !), de la scénographie, des décors, de toute la technique, qui sont de très bon niveau. Bref, c'est un travail remarquable et j'aimerais en dire plus et vous en raconter plus, mais je ne le ferai pas, pour ne pas gâcher le plaisir.
Je me suis dépêché d'écrire ce billet car il reste des places et la pièce se joue encore deux semaines. Je ne pense pas qu'elle sera reprise. Alors, si vous pouvez, courrez-y !

Salut à toi la plus virile de toutes les femmes! C’est le moment d’être bienveillante et méchante, tendre et teigneuse, tolérante et intransigeante, bref: expérimentée. A toi de jouer! 

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